Hiboux
Hiboux

Un spectacle produit par le collectif « les 3 points de suspension » (74) et vu au Théâtre du fil de l’eau à Pantin (93) le 21 mai 2022.

 

Texte : Les 3 Points de suspension

Mise en scène : Nicolas Chapoulier

Comédiens : Jérôme Colloud, Renaud Vincent, Cédric Cambon

Création musicale et habillage sonore : Jérôme Colloud, Renaud Vincent

Scénographie et costumes : Cédric Cambon, Gael Richard et Sophie Deck

Administration : Lorène Bidaud

Production : Lorène Bidaud, Neyda Paredes

Diffusion : Neyda Paredes

Genre : Théâtre musical, Théâtre forum

« Tutoriel théâtral pour réussir sa mort et celle des autres »

Public : Tout public à partir de 14 ans

Durée : 1H45

 

Ça sent quelque peu la fin de saison en région parisienne. Loin de le déplorer, c’est pour moi l’occasion de partir à la recherche de spectacles que je n’aurais pas pu découvrir en temps normal. Pour « Hiboux », cela aurait été bien dommage.

 

Il fallait oser ! Convier le public pour parler de la mort. De la sienne, assurément un jour, et de celle de nos proches, assurément aussi. Et de cette expérience intime ouvrir le débat sur la place de la mort dans nos sociétés et sur les questions philosophiques ad hoc. Rien de morbide ni de sentencieux mais du rire, de l’émotion, de la pertinence et comme une sorte de communion.

Pour parvenir à cette prouesse, nos trois compères ont imaginé un dispositif théâtre forum. Les spectateurs sont assis en cercle sur des gradins forts inconfortables (!) au centre desquels se trouve une grande table ronde entourée d’instruments de musique (saxo, batterie) et de la régie. Entre les travées deux sorties sont ménagées pour permettre au public d’aller et venir si besoin. Car le thème n’est pas simple et le cas est réellement envisagé.

Telle une expérience scientifique, un protocole est clairement exposé par l’un des comédiens (Renaud Vincent) qui aurait suivi une formation de conseiller funéraire. S’ensuit un moment d’échanges entre le public et ce maître des cérémonies puis l’exposé d’un cas pratique : un spectateur est désigné (sur le mode du volontariat) pour assister à ce à quoi il n’assistera jamais : sa propre cérémonie d’enterrement. Ce passage, désopilant, crée une telle connivence entre le public et les comédiens ; le public, les comédiens et « le cobaye » qu’il permet au spectacle d’entrer dans une autre dimension.

Si les moments d’improvisation sont toujours là, ils cèdent néanmoins le pas devant le « spectaculaire » pour aborder tour à tour la question des liens que nous entretenons à nos morts, des rituels passés et des rituels à réinventer (Thanadoulas ou sage-femmes de la mort versus transhumanisme). Cette fois, c’est moins le maître des cérémonies que nous suivons que la pensée de Deleuze réincarnée de la plus belle façon par Jérôme Colloud. Malgré quelques faiblesses (élocution parfois un peu difficile notamment sur les chansons, quelques longueurs), le spectacle opère comme une messe cathartique et atteint un silence religieux lors de la toilette mortuaire pratiquée sur le musicien régisseur Cédric Cambon.

Si le spectacle s’appelle « Hiboux », c’est en référence à la chouette d’Athéna, celle qui voit clair dans l’obscurité. Car « Hiboux », sous son apparente impertinence, est un vrai exercice de maïeutique qui permet d’affronter le tabou d’entre les tabous dans nos sociétés contemporaines, la mort.

 

Catherine Wolff

Retour à l'accueil