Les raisins de la colère
25 mai 2022Spectacle produit par la Cie Sea Art (77) vu le au Théâtre du Balcon (84) le 19 mai 2022 à Avignon
Texte : John Steinbeck
Adaptation et Mise en scène : Xavier Simonin
Genre : Théâtre conté et musical
Direction musicale : Jean-Jacques Milteau
Ecriture et composition : Claire Nivard et Glenn Arzel
Interprétation : Xavier Simonin (le conteur), Claire Nivard (chant et guitare), Stephen Harrisson (contrebasse, violon et chant) et Manu Bertrand ou Glenn Arzel (multi-instrumentiste et chant)
Durée : 1h45
Public : A partir de 10 ans
Un texte fondateur, brûlant d'actualité bien que datant d'un siècle, conté avec grand talent et mis en musique par des musiciens habités... Nous voici plongés dans l'Amérique de la Route 66 durant la Grande Dépression...
Le road-movie de John Steinbeck est un vrai voyage dans la migration interne de l'Oklahoma vers la Californie, terre de tous les espoirs du début du 20ème siècle pour tous ces « oakies » dépossédés de leur « outil de travail » par les grands propriétaires terrains durant la crise de 1929.
Adaptation musicale et littéraire de ce chef d'œuvre de la littérature américaine, voici donc racontée et chantée l'histoire de John Joad et de toute sa famille ...Comme le raconte le héros de cette histoire, « les propriétaires terriens viennent avec leurs voitures, et annoncent à travers leurs portières ouvertes aux métayers et à leurs familles : « Le système de métayage a fait son temps : un homme avec un tracteur peut prendre la place de 10 à 15 familles. On lui paye un salaire et on prend toute la récolte. « Nous n'y pouvons rien ! » disent-ils : « C'est la loi du marché... » en quelques mots, les propriétaires ruinent des années de sueur et de sang de ces métayers qui devront partir via la Route 66, la grande route des migrations, la route de la fuite afin de trouver le moyen de subvenir à leurs besoins. L'objectif : ramasser les oranges et les pêches en Californie...La grande promesse d'une vie meilleure.
Sur cette longue route, des camps sont aménagés dans la misère, des enfants mourront de soif et de faim, tant d'histoires se transmettent sur cette longue marche de familles chassées par la poussière. Ils subiront le froid, la stigmatisation et la faim ; ils seront chassés par la police, (« aussi dangereux que ces salauds de nègres dans le Sud »), leurs camps étant qualifiés d'insalubres.
A leur arrivée, ils seront traités pour moins que rien et payés en conséquence... En Californie on n'aime pas les migrants...
Cette désespérance, cette quête d'un avenir meilleur, cette longue marche et ces désillusions sont si bien contées par Xavier Simonin et brillamment mises en musique par ce trio de musiciens chanteurs, qu'on y est : sur la Route 66, dans la poussière, dans ces campements de fortune avec nos enfants affamés, assoiffés, sales et mourants dans nos bras. Ambiance... J'ai été transportée dans cette Amérique profonde des années 30. Dans décor épuré de vieux outils, de caisses de bois et de paille au sol, on s'y croirait, dans ce passé pas si lointain. Si Steinbeck était toujours vivant il constaterait que la migration est toujours d'actualité et le racisme toujours bien ancré aux États-Unis d'Amérique et ailleurs... Une pièce d'actualité, fort bien interprétée. A ne pas rater au prochain Festival d'Avignon !
Evelyne Karam