Le Tartuffe ou l'Hypocrite
08 juin 2022Spectacle vu vendredi 26 mai 2022 à 22h à l’Amphithéâtre du Domaine d’O à Montpellier (34) dans le cadre du Printemps des Comédiens à l’occasion du 400e anniversaire de Molière.
Texte : Molière
Version : version interdite en trois actes du 12 mai 1664 (Versailles) restituée par George Forestier avec la complicité d’Isabelle Grellet
Mise en scène de : Ivo van Hove
Interprétation : La Troupe de la Comédie Française : Claude Mathieu, Denis Podalydès, Loïc Corbery, Christophe Montenez, Dominique Blanc, Julien Frison, Marina Hands
Et : Héloïse Cholley (de l’Académie de la Comédie Française), Clémentine Billy, Aksel Carrez, Flora Chéreau, Thomas Keller Mickaël Pelissier,
Dramaturgie : Koen Tachelet
Scénographie et lumières : Jan Versweyveld
Costumes : An D'Huys
Musique originale : Alexandre Desplat
Collaboration musicale : Solrey
Son : Pierre Routin
Vidéo : Renaud Rubiano
Réalisation maquillages : Claire Cohen
Assistanat à la mise en scène : Laurent Delvert
Assistanat à la scénographie : Jordan Vincent
Assistanat aux lumières : François Thouret
Avec le soutien de : la Fondation pour la Comédie-Française
Édition musicale : Galilea Music
Décors et costumes : réalisés dans les Ateliers de la Comédie-Française
Public : spectacle à partir de 12 ans
Durée : 1H50
La troupe de la Comédie Française interprète la version interdite du Tartuffe en trois actes de 1664 restituée par l’historien George Forestier (la pièce d’origine, jouée une fois, avait été censurée par Louis XIV). Le metteur en scène Ivo van Hove, directeur de l’Internationaal Theater Amsterdam accomplit un exercice risqué en montant un classique français dans une version qui avait fait interdire la pièce par Louis XIV. Le texte restitué par le spécialiste de Molière, George Forestier, résonne sur la religion, l’hypocrisie.
Dans un agencement de scène froid et métallique, bougies et lustres variés habillent un décor sobre pour créer un jeu d’éclairages changeants, qui rythment les scènes. Une mezzanine, long balcon surélevé sur la largeur de scène, donne relief et profondeur au plateau scénique, au jeu et aux déplacements des acteurs. La pièce s’ouvre sur l’arrivée d’une forme étrange, mouvante. Deux couvertures sombres couvrent cette forme qui s’avère être un personnage étrange, vagabond. C’est Tartuffe.
Dorine, servante acquise aux idées modernes – incarnée par la présence puissante de Dominique Blanc – se distingue par ses propos de la radicale mère d’Orgon, Mme Pernelle, à la rigidité matriarcale. Le dysfonctionnement familial se révèle, sorte de bataille entre conservateurs et progressistes.
Là, dépoussiérée, résolument actuelle, lucide et servie par des comédiens jouissifs, une comédie française brillantissime ! Marine Hands incarne une Elmire inédite, libre, une femme d’aujourd’hui, objet de désir et sujet désirant.
Une conformité à la vie, servie magistralement par ce Tartuffe, interprété par Christophe Montenez, qui le joue avec une présence particulière. Sa voix tempérée et particulière, ouatée et presque sirupeuse convient parfaitement à l’Hypocrite.
Denis Popalydès est un Orgon qui se prosterne, à la fois perdu, soumis et crédule. Il se prête au jeu, se laisse cacher pour apparaître par surprise dans un moment clownesque savoureux ! Et lorsque le comédien quitte la scène par le balcon en une danse-mime d’une mémorable légèreté, c’est l’instant de grâce.
Ce Tartuffe, noir, révèle l’universalité, l’intemporalité du Théâtre de Molière. Pour reprendre mes dires, je résumerai le sujet de la pièce en ces mots : une conformité à la vie servie par une habile mise en scène et des comédiens exceptionnels ; une forme inédite dont la qualité ne pourra que séduire les jeunes générations, car ainsi dépoudré, le théâtre de Molière est toujours d’actualité.
Bravo et merci pour ce très beau moment théâtral.
Gisèle-Lydie Brogi