CHAPLIN, 1939
29 juil. 2022Spectacle de la compagnie Hé ! Psst ! (64) vu au théâtre La Luna, le vendredi 29 juillet à 14h30 dans le cadre du festival Off d’Avignon. Relâche les mercredis.
De : Cliff Paillé
Mise en scène : Cliff Paillé, Sophie Poulain
Interprète(s) : Romain Arnaud-Kneisky, Alexandre Cattez, Alice Serfati
Création Lumière et son : Yannick Prevost
Genre : Théâtre contemporain
Durée : 1h12
Démarche en canard, petite moustache, chapeau melon, canne et petit bonhomme qui fait le clown : Voilà comment la majorité d’entre nous pourrait décrire Charlot. Mais ce personnage c’est avant tout Charlie Chaplin, un homme. Si la vie n’a pas été rose tous les jours pour lui, il a trouvé son arme à lui pour se battre : L’humour me direz-vous ? Pas si sûr….
Cette pièce, en quatre actes nous invite dans l’intimité du bureau de Chaplin. Le premier acte s’articule autour du Chaplin auteur, farceur et enthousiaste : A l’aube de la Seconde Guerre mondiale, Chaplin veut « se payer Hitler », malgré les réticences de son frère Syd. Pour Chaplin, ses films ne sont pas de simples divertissements, mais une mise en lumière de ce qui pervertit la société : Il les pense en pamphlets et Charlot est là pour qu’ils soient accessibles à tous. Le second acte dépeint un Chaplin plus intime : Homme soucieux, si préoccupé par son film en préparation qu’il en devient cynique avec sa femme Paulette. Cette dernière lui assène quelques vérités qui sont difficiles à entendre : Son rapport trouble à son personnage et des similitudes psychiques troublantes avec ce dictateur qu’il condamne. Le troisième acte est la conséquence du discours de Paulette : En pleine abréaction, Chaplin s’adresse à Charlot. Pour pouvoir s’en affranchir, il faut passer par là. Le quatrième et dernier acte enfin, est la vie de Chaplin après « Le Dictateur », cette vie qu’il s’est enfin autorisée à avoir, sa vie sans Charlot.
Le texte de Cliff Paillé est un bijou car toutes les facettes du grand cinéaste sont dépeintes, sans concession mais toujours avec la tendresse à fleur de page. Il est comme Monsieur Chaplin, ce texte, facétieux et grave ; espiègle et sombre.
Romain Arnaud-Kneisky réussi à merveille à entrer dans cette relation complexe entre Chaplin et son autre lui-même qu’est Charlot. Il arrive à transmettre cette dualité au public avec intelligence et sincérité. J’ai beaucoup aimé la justesse : il a évité le piège de tomber dans la caricature. J’ai été bluffé par la ressemblance d’Alice Serfati avec Paulette Goddard : Elle a son sourire, c’est frappant et elle n’en est que plus convaincante dans le rôle de cette femme qui est la seule, sans doute à avoir vraiment compris Chaplin et ses démons. Alexandre Cattez, quant à lui, campe un Sydney Chaplin, « frère de… », moralisateur mais toujours bienveillant qui nous est d’emblée fort sympathique, comme le frère qu’on aimerait avoir.
La mise en scène est toute en subtilité : un décor fait d’accessoires et costumes en nuances noires, blanches et grise avec deux seules touches de rouge, comme un rappel au passage décisif que Chaplin (et le cinéma) s’apprêtent à franchir. Totale réussite pour ce spectacle qui part en tournée en octobre ! Ne le ratez pas, c’est un chef d’œuvre !!
Myriam Chazalon