Faut-il laisser les vieux pères manger seuls au comptoir des bars
Faut-il laisser les vieux pères manger seuls au comptoir des bars

Produit par Théâtre des Ilets (03), vu au Théâtre des Halles (conservatoire) le 17 juillet 2022 dans le cadre du Festival Off d'Avignon 2022 du 7 au 30 juillet.

 

Mise en scène :  Carole Thibaut

Interprètes : Carole Thibaut, Olivier Perrier et Jacques Descorde

Genre : Théâtre contemporain

Durée : 1h15

Public : à partir de 15 ans

 

La scène est en fait une sorte de ring et nous sommes placés autour sur 3 côtés, afin d'être au plus proche des comédiens, pour compter les rounds en quelque sorte. Nous assistons dès le début de la pièce à un affrontement entre un père et sa fille qui prend sa source dans un passé pas si lointain, mais que le père a, consciemment ou non, occulté.

 

Il « débarque », sa valise à la main, pour demander de l'aide à une fille qui ne souhaite pas vraiment le recevoir ; on peut dire même pas du tout le recevoir. Elle est agressive, sur la défensive, presque méchante envers ce père qu'elle ne voit plus depuis longtemps et dont la bonhomie cache quelque chose de plus retors. Elle lui en veut terriblement, il fait semblant de ne pas comprendre et lui reproche ce « sale caractère » dont elle est affublée depuis sa jeunesse. Il ne s'est jamais demandé pourquoi elle était si dure avec elle-même et sans doute avec les autres, car elle est devenue quelqu'un, elle a réussi dans la vie, même si elle est restée seule et n'a pas eu d'enfant. Il vient pourtant lui annoncer une mort prochaine et pense qu'elle pourra lui venir en aide de la façon dont lui l'a décidé. Il ne pense pas un instant qu'elle refuserait. Et pourtant, bien sûr, elle refuse car le pardon et la résilience, en est-elle capable ? Dans un langage incisif, les deux comédiens se rendent coup pour coup dans les reproches. Le compagnon de cette jeune femme, bien que ne voulant pas s'immiscer dans cette tragédie familiale, lui demande un peu de compassion envers ce vieil homme qui a l'air bien inoffensif après tout.

 

Lui se considère comme un bon patriarche, qui pouvait boire beaucoup et "corriger" sa fille quand il le fallait, parce qu'il considérait que ça se faisait comme ça et pas autrement. La phrase qui lui revient toujours pour appuyer ses demandes successives reste "mais je suis ton père !" c'est suffisant à ses yeux pour imposer un respect et pourquoi pas, une soumission.

 

Elle se sera construite comme ça, avec cette rage de ne pas être dans la norme, sa solitude étant perçue comme une preuve d'égoïsme et son refus de la maternité comme une erreur aux yeux d'un père qui ne s'est jamais posé la question de savoir pourquoi sa fille était si malheureuse.

 

Carole Thibaut dévoile parfaitement les violences bien dissimulées que les familles peuvent révéler lorsqu'on ose enfin parler et lâcher prise. Une belle performance de comédiens, mention spéciale à Carole Thibaut, toute en violence contenue, qui pourtant à la fin redeviendra la fille de son père...

 

Evelyne Karam

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