Crédit photos : Compagnie du PasSage

Crédit photos : Compagnie du PasSage

Le rêve d'un homme ridicule

Spectacle de la compagnie du PasSage (92) vu au théâtre l’Etincelle, le lundi 25 juillet à 17h25 dans le cadre du festival Off d’Avignon. Relâche les mardis.

 

De : D’après Fiodor Dostoïevski

Mise en scène : Olivier Ythier

Interprète(s) : Jean-Paul Sermadiras

Collaborateur artistique : Gilles David

Traducteur : André Markowicz

Création Lumière : Jean-Luc Chanonat

Création sonore : Pascale Salkin

Costumière : Cidalia Da Costa

Genre : Théâtre contemporain

Durée : 1h

 

Quand on invoque Dostoïevski, c’est généralement pour ses romans, plus rarement pour ses nouvelles d’une qualité d’écriture pourtant indéniable. C’est au théâtre de l’Etincelle, petit théâtre dont les décors nous renvoient au lieu tel qu’on l’imagine : épaisses tentures de velours rouge et ambiance baroque. Un lieu de théâtre par excellence. Et l’excellence était au rendez-vous.

 

Sur la scène drapée de noir, un banc. Un homme entre. Il nous raconte son histoire. On dit de lui qu’il est ridicule, pourquoi ? Personne ne sait, y compris lui-même. C’est un fait. Cet homme est prêt à en finir avec la vie car il est devenu insensible à tout. Pourtant son fatal dessein est remis en cause par sa rencontre avec une petite fille qui lui demande avec insistance son aide. Il la lui refuse catégoriquement, et, rentré chez lui, se prend à réfléchir sur son acte, se rendant compte que son indifférence a été, malgré lui, mise à mal. Lui qui n'avait plus dormi depuis des jours, s’en va rejoindre les bras de Morphée. C’est le début d’un rêve qui va bouleverser sa vie. Il s’envole transporté par une créature quasi-mythique pour une lointaine planète qui s’avère être une version utopique de la Terre : un endroit lumineux, une population heureuse guidée par un bonheur sans faille, une vie dépourvue d’impudicité et de vice. L’homme, émerveillé, est accueilli avec bienveillance dans cette cité merveilleuse. Pourtant cette existence idyllique va voler en éclat car malgré lui l’Homme va pervertir ce monde paradisiaque en distillant à chacun de ces êtres parfaits, un peu des dépravations de sa vie sur l’autre Terre. À son réveil, persuadé que ce rêve étant une vision de la « réalité vraie », l’Homme devient prêcheur pour témoigner de la bonté originelle de l’être humain. Alors, rêve prémonitoire ou fantasme dicté par la culpabilité d’un homme ?

La dimension onirique et philosophique est admirablement sublimée par le comédien Jean-Paul Sermadiras, impressionnant dans son jeu. Les changements de rythmes du texte sont parfaitement maîtrisés et rendent hommage à l’œuvre. L’association lumière électrique-bougie et les projections vidéo sur toile noire nous renvoient totalement à la notion de rêve-réalité. L’espace scénique et le banc sont utilisés avec justesse. J’ai été emportée et impressionnée par le passage concernant la perversion : mise en scène, musique, lumière, transe du personnage, rien n’est laissé au hasard, et s’accordent pour tendre au symbolique. J’ai rêvé avec lui, j’ai ressenti la lumière de ces êtres innocents de tout avec lui, j’ai ressenti la dangereuse force du contrôle et du pouvoir sur les autres avec lui, j’ai ressenti la culpabilité avec lui, j’ai ressenti l’humilité et l’abnégation avec lui. Pendant 1 heure j’ai été l’Homme.

Il m’a été donné, par mes études littéraires et philosophiques, d’analyser « Le rêve d’un homme ridicule ». J’aurai aimé assister à une telle représentation à cette lointaine époque. En effet, le texte que j’appréciais déjà, a pris une dimension nouvelle, j’y ai compris des subtilités qui m’avaient échappées, j’y ai appris encore.

Cette vision de la nouvelle de Fiodor Dostoïevski doit continuer de vivre, d’être vue par les élèves, les étudiants, mais aussi et surtout par tous car nous avons ici une vision résolument actuelle de ce qu’est l’Homme.

Merci à la Compagnie de nous avoir ouvert ce sinueux passage vers cette connaissance de l’humain.

 

Myriam Chazalon

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