Crédit photos : Séverin Albert.
Crédit photos : Séverin Albert.

Crédit photos : Séverin Albert.

LES BONNES

Spectacle de la compagnie La Caucasienne (34) vu à L’Alya Théâtre, le lundi 25 juillet à 14h35 dans le cadre du festival Off d’Avignon. Relâche les mardis (première à Avignon).

 

De : Jean Genet

Mise en scène : Bea Gerzsenyi

Interprète(s) : Sabrina Bus, Grace Lynn Mendes

Scénographe : Pierre Lepretre sur une idée de Bea Gerzsenyi

Costumière : Kata Ory

Compositeur : Damien Domenget 

Genre : Théâtre contemporain

Durée : 1h25

 

La pièce de Jean Genet ne faillit pas à sa réputation de best-seller du genre. En effet 3 adaptations nous sont proposées cette année dans le cadre du festival Off. C’est incontestablement un incontournable que les amoureux de théâtre se doivent d’avoir vu au moins une fois.

 

Les Bonnes se sont deux sœurs, Solange et Claire aux personnalités diamétralement opposées. Mais totalement liées l’une à l’autre, la folie de l’une surenchérit sur la déraison de l’autre et leur jeu pervers les mènera jusqu’à l’inéluctable drame. Pour ces deux personnages employés dans une maison bourgeoise par Madame et Monsieur, la condition de bonne a semé dans leur cerveau une graine de haine. Elles ne supportent plus les snobs simagrées, la condescendance et l’hypocrite « sympathie » de Madame. Quand les bourgeois ne sont pas là, les Bonnes jouent à être Madame à tour de rôle, se parant de ses robes, se fardant à son image. Emportées par ce jeu de dupe, leur rancœur grandit, les étouffe. L’idée de nuire à leur maîtresse voit le jour. Lui faire mal d’abord, lui enlever ce qu’elle a de plus précieux : Calomnier Monsieur pour le faire enfermer. Mais cela n’est pas suffisant. À trop jouer elles vont s’y perdre. L’issue sera fatale mais qui en paiera le prix ?

La force du texte de Genet, ce sont les jeux de rôles et là est aussi toute la difficulté pour la mise en scène et le jeu. Il faut que le spectateur comprenne qui est qui, ressente la folie des bonnes et la déférence de Madame telle que la ressentent les domestiques.

Dans la version proposée par la compagnie La Caucasienne, le pari est réussi : D’emblée, on est pris par la folie, on sait que l’issue sera tragique. Les premiers mots de Jean Genet tombent comme un couperet. Puis la comédienne entame une danse digne de la danse de St Guy : L’esprit déjà malade prend possession du corps. L’astuce d’habiller la personnalité la plus forte et dominatrice dans un costume d’homme et la personnalité la plus faible et raisonnée dans une petite robe toute simple est un coup de génie, car les différences sont encore plus marquées par le visuel. L’utilisation des pièces du décor pour la scène finale contribue également à affirmer la folie et augmenter le malaise du spectateur.

Les comédiennes ont réussi la prouesse du jeu dans le jeu : jeu hésitant quand elles jouent à être Madame car elles ne maîtrisent pas ces codes qu’elles condamnent et, surjoué, pour marquer leur exécration de cette bourgeoisie qui elle-même surjoue sa vie. Sabrina Bus est étonnante de vérité dans le rôle de Solange et de son ascension vers la folie et Grace Lynn Mendes sincère dans son rôle d’une Claire qui va tenter de lutter jusqu’à la fatale résignation.

Excellente interprétation du texte inspirée par le sordide fait divers des sœurs Papin sublimée par les idées novatrices de mise en scène. Bravo !!!

 

Myriam Chazalon

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