Europe Connexion
01 août 2022Spectacle de la compagnie La Mala (75) vu le 28 juillet à 10h15 au théâtre du Tremplin, dans le cadre du Festival Off d'Avignon 2022, du 19 au 28 juillet.
Auteur : Alexandra Badea
Mise en scène : Pablo Dubott
Interprète(s) : Quentin Perriard
Créateur son : Jóan Tauveron
Genre : théâtre contemporain
Public : à partir de 14 ans
Durée : 1h20
Le théâtre du tremplin est un lieu un peu mélancolique pour moi, ayant joué il y a assez longtemps sur ses planches de la salle Molière… mais cette fois, c’est une première dans le rôle du public que je viens assister à ce seul en scène - sachant qu’il s’agissait de la dernière représentation pour le festival d'Avignon.
Le sujet, parlant des lobbyistes, reste primordial lorsqu’on s’intéresse un tant soit peu à la politique. Ces femmes et hommes (un milieu plus masculin d'ailleurs) restent dans l’ombre des médias et planent pour les grandes industries, voulant par tous les moyens, réussir à faire voter ou pas des lois européennes pour leurs intérêts financiers. Une manipulation discrète pour une application osée… Un fantasme que tout citoyen peut imaginer.
A contrario du film Thank you for smoking de Jason Reitman ayant un sujet similaire, avec un traitement plus léger dans l’interprétation, Europe Connexion d’Alexandra Badea (publié aux édition l’Arche – 2015) a le mérite de démontrer un fait qui n’est pas forcément une fiction ; notamment en donnant une image plus « humaine » au personnage qu’interprète Quentin Perriard. La pièce ne vous fait pas aimer ce dernier, bien au contraire. Mais elle vous fait comprendre que l’ambition d’un jeune homme technocrate qui se croit imbattable, presque invincible peut tomber bien bas de son trône. Un personnage qui répond, pour un temps, à cette devise intemporelle : Sexe, Pouvoir et Argent.
Participant à l’enrichissement des entreprises d’agro-alimentaires et vivant à une allure effrénée, le personnage ne pourra plus faire marche arrière un fois intégrer au système puisque sa famille s’élève socialement, en profite et s’engage dans une vie luxueuse. Avec le temps sa personnalité et ses convictions se déconstruisent pour nous faire comprendre qu’il n’est qu’un grain de sable dans l’engrenage d’une machine fonctionnant à perpétuité. Le jour où ce dernier voudra s’arrêter, il sera rapidement remplacé par un autre plus jeune…
La scénographie est très épurée ; seuls quelques éléments sont disposés sur l’ensemble du plateau : un fauteuil en fond de scène à jardin, des toilettes à cour, devant est placé une commode sur roulette et presque au centre un grand tapis de bain sur lequel repose un porte serviette. La mise en scène de Pablo Dubott est très efficace, et millimétrée parfois même symbolique ; au point de faire comprendre que le seul trône sur lequel le lobbyiste se posera restera les toilettes. Le texte est intelligent et ne tombe pas dans la vulgarité ni même la grossièreté (peut être un tantinet long justement au moment où le personnage commence à comprendre qu’il est pris dans un système sans fin... sur ses toilettes).
Un spectacle que je ne regrette pas d’avoir découvert tant par le comédien, la musique, scénographie et la mise en scène qui vous entrainent dans les abysses d’un système engloutissant tout ce qu’il peut pour assouvir son intérêt économique. A voir sans modération.
Maxime FARSETTI