Simon Gosselin pour la Colline

Simon Gosselin pour la Colline

Racine carrée du verbe être

Un spectacle produit par  le Théâtre National de la Colline (75) et vu le 2 et 3 novembre 2022 au Théâtre National de la Colline.

 

Texte : Wajdi Mouawad

Mise en scène : Wajdi Mouawad

Comédiens : Maïté Bufala, Madalina Constantin, Jade Fortineau, Jérémie Galiana, Delphine Gilquin, Julie Julien, Jérôme Kircher, Norah Krief Maxime Le Gac Olanié, Wajdi Mouawad, Merwane Tajouiti, Richard Thériault, Anna Sanchez, Raphaël Weinstock

Dans le rôle de l’enfant (sauf erreur de ma part, le programme ne précise pas lequel  jouait ces deux soirées !) : Adam Boukhadda, Colin Jolivet, Meaulnes Lacoste, Théodore Levesque, Balthazar Mas-Baglione, Ulysse Mouawad, Adrien Raynal, Noham Touhtouh.

Scénographie : Emmanuel Clolus

Genre : théâtre

Public : adulte

Durée : environ 6h

 

Aficionada je suis; aficionada, je reste : J’ai donc réservé pour voir « racine carrée du verbe être » de Wajdi Mouawad. J’avoue que lorsqu’il s’est agit d’y rester 6 heures (en deux soirées pour ma part), mon enthousiasme s’est tari. Au final, j’ai tenu en oscillant entre bonheur et exaspération.

 

La pièce s’ouvre avec la projection sur un grand cyclo de l’explosion du port de Beyrouth le mardi 4 août 2020. La déflagration du port semble avoir réveillé les traumatismes de l’enfant  Wajdi Mouawad qui a vécu la guerre et l’exil et fait voler en éclats la conscience de soi. Acculé au réel, le choix pour la survie ressemble à un coup de poker qui détermine une existence entière à venir. C’est cette question des identités possibles que Wajdi Mouawad interroge à travers un alias, Talyani. Le spectacle nous convie donc à suivre la destinée de différents avatars : Talyani en fieffé salaud, neurochirurgien à Rome ; Talyani en chauffeur de taxi affable à Paris, Talyani en peintre provocateur et gay à Montréal, Talyani en propriétaire déprimé d’une boutique de jeans à Beyrouth, Talyani en attente de son exécution dans un couloir de la mort au Texas. Cinq existences résolument différentes mais que relient quelques invariants : le Liban, la guerre, l’exil, et le noyau familial.

La pièce est organisée en trois parties de durée égale. La première interroge l’anéantissement du réel qu’ont connu les pères ; la seconde met en scène les enfants qui tentent de nettoyer les débris du passé qui pourrissent le présent pour mieux dire leur amour ; la troisième est l’heure de vérité et de la possible réconciliation avec soi et avec les autres.

Pour porter ce projet ambitieux, ils sont quatorze sur scène, sept femmes et sept hommes. A part trois d’entre eux, ils interprètent en moyenne trois personnages chacun.  Le casting joue des ressemblances physiques pour mieux embrasser la logique narrative. Le problème, c’est qu’on s’y perd. La première partie est particulièrement difficile à suivre tant le postulat de base est complexe et les jeux de rôles difficiles à distinguer. Avec mon amie nous avons failli partir à l’entracte. Seules nous ont retenues quelques jolies scènes comme la famille beyrouthine et l’interview par Wyoming (personnage qui deviendra central) du Talyani condamné à mort.  Par la suite, on s’attache aux personnages et Wajdi Mouawad sachant créer du suspens, on reste pour connaître la fin. Des moments d’une grande intensité émotionnelle (le Talyani abject et sa fille Rosa/ Hanane, le monologue de Wyoming, le cours de maths de Rosa/Hanane, le bagout de Norah Krief dans le rôle de la sœur Layla) emportent au final l’adhésion. Mais tout ça pour ça !

Que c’est long ! Que de scènes, à mon avis, anecdotiques, à commencer par celles des jeunes activistes écolo. Quelle immense machinerie à la Lepage (cyclo, projections, sonorisation, musique, modulables) et qui écrase si souvent le jeu. Que de confusions, malgré la bonne idée scénique, quand deux scènes sont jouées en simultanée. Que de méandres intellectuels et scéniques pour dire. Un peu à l’image du titre : joli mais prétentieux. L’ensemble est éminemment intelligent mais gagnerait tellement, à être resserré.

 

« Racine Carrée du verbe être » est un spectacle en ramifications protéiforme. C’est ce qui fait sa force et sa faiblesse.

Catherine Wolff

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