La vie est une fête

Un spectacle produit par  les chiens de Navarre (75) et vu le 01 décembre  à la Grande Halle de la Villette.

Mise en scène : Jean-Christophe Meurisse

Comédiens : Delphine Baril, Lula Hugot, Charlotte Laemmel,Anthony Paliotti, Gaëtan Peau, Ivandros Sérodios, Fred Tousch et Bernie.

Scénographie : François Gauthier-Lafaye.

Genre : Théâtre

Public : Adulte

Durée : 1H40

Aller voir les chiens de Navarre, c’est se ressourcer ; c’est, par le biais de leur irrévérence outrancière, envoyer paître ce modèle sociétal conformiste qui rend dingue. C’est la marque de fabrique de Jean-Christophe Meurisse. C’est le sujet même de « la vie est une fête ».

Le fil directeur du spectacle est donc la folie. Celle du monde ou celle de l’HP ? Car le centre névralgique de la pièce se situe dans un « asile »; lequel finit par recevoir l’ensemble des protagonistes qui à un moment ou un autre finissent  par péter un câble de part cette société  qui les aliène. On alterne donc des scènes dans et en dehors. Une façade à deux baies vitrées et munie dune porte battante est sensée délimitée les deux univers. Sauf que la confusion des espaces règne et que le jeu volontairement ambigu des personnages sème le doute. Comment distinguer la folie ordinaire de la folie tout court quand le monde est fou ?

Ce monde de fous est présenté par 8 comédiens sonorisés renforcés par des figurants amateurs. Ils mettent en situation une dizaine de tableaux fort contemporains : l’assemblée nationale, le cabinet de gynéco, la start’up aussi bien experte en greenwashing qu'en nov'langue et en hoverboard, les manifs et leur cortège de CRS, la  visite ministérielle à l’HP et ainsi de suite. C’est un florilège d’extravagances et d’excès. C’est une machine à café qui délivre un doigt d’honneur ; c’est un homme ruisselant de sang, échappé de l’asile, qui prend d’assaut les gradins ; c’est ce flic qui pendant l’entretien psy de son détenu se gratte les couilles très ostensibles. C’est très pipi-caca, très turgescent, et très gore. Mais c’est parfaitement assumé. J’ai déploré quelques longueurs et un certain manque de cohérence. Mais J’ai adoré quelques tableaux. Le premier d’abord, celui qui se déroule alors même que le public s’installe : une séance à l’Assemblée Nationale autour d’une proposition de loi sur l’allègement du port d’armes. Les députés de tout bord dont quelques figures fort reconnaissables s’invectivent, tant sur le plateau que dans les travées de l’hémicycle que sont devenus les gradins. Ça balance fort avec l’actualité et le public, pris à partie. La scène chez la vieille rombière de gynéco est à mourir de rire tant les instruments d’auscultation et les bruits ad hoc transforment la consultation en opération de garagiste. La visite du ministre atteint un paroxysme de vulgarité pour mieux dénoncer la langue de bois de nos gouvernants.

« La vie est une fête » fait triompher l’ironie. A l’heure de la bien-pensance volontairement aseptisée pour mieux infliger une violence sociale insoutenable, ce spectacle a quelque chose d’un manifeste punk. Pour le meilleur et pour le pire.

Catherine Wolff