Je pars sans moi
02 févr. 2023Un spectacle produit par la Compagnie Les Merveilleuses (93), vu le 1° février à la Colline.
Conception et mise en scène: Isabelle Lafon
Ecriture et jeu : Isabelle Lafon et Johanna Khortals Altes
Lumières : Laurent Schneegans
Genre : théâtre
Public : spectacle adulte
Durée : 1h
J’aime à voir les spectacles d’Isabelle Lafon, souvent inédits dans la thématique, toujours très exigeants dans la forme et pourtant à la portée de tous. « Je pars sans moi » est une superbe proposition autour de la folie.
La scénographie pose d’emblée le refus d'un voyeurisme spectaculaire. Le plateau est nu. A cour, une porte. Pour seul accessoire, un tabouret. La pénombre domine. Seule une lumière chaude et moirée éclaire les deux comédiennes sonorisées.
La première partie est une mise en abyme. Isabelle Lafon et Johanna Khortals Altes échangent autour du spectacle à venir sur la folie. Mais d’entrée de jeu, les mots dérivent et l’espace est décalé :
- « C’est comme si la folie était en train de faire quelque chose de nous ».
Le comédien en incarnant un autre n’est-il pas au seuil de l’expérience de la démence ? Qui plus est, la recherche documentaire pour un spectacle n’est pas sans rappeler la quête du personnage par le comédien. L’une aime s’inspirer des archives et de son grand-père chéri quand l’autre privilégie la photo au point « de glisser dans l’image ». C’est ainsi que nous plongeons dans la seconde partie du spectacle qui expose l’histoire de trois aliénées au XIX e: Mademoiselle M, Babeth et Blanche. A travers elles, nous découvrons certes une certaine poétique de la folie mais surtout la souffrance qu’elle génère. La scène où Isabelle Lafon joue les hallucinations que vit Mademoiselle M est absolument poignante. Le spectateur n’a plus qu’une seule envie : tenter de soulager. C’est le rôle du psychiatre et c’est à certains d’entre eux, précurseurs dans une prise en charge ouverte au monde, que la pièce rend hommage. En guise de conclusion, Johanna Khortals Altes entonne une danse saccadée, épuisante, étrange et belle.
« Je pars sans moi » est un spectacle très émouvant sur une problématique difficile. L’écriture, le jeu des comédiennes et la sobriété du dispositif participent à la réussite du projet.
Catherine Wolff