Juliette Parizot/ Hans Lucas

Juliette Parizot/ Hans Lucas

Le suicidé, vaudeville soviétique

Un spectacle produit par  le TNP (69) et vu le 14 février à la MC93.

 

Texte : D’après Nicolaï Erdman

Mise en scène: Jea Bellorini

Comédiens : François deblock, Mathieu Delmonté, Clémen Durand, Anke Engelsmann, Gérôme Ferchaud, Julien Gaspar-Oliveri, Jacques Hadjaje, Clara Mayer, Liza Alegria Ndikita, Marc Plas, Antoine Raffalli, Matthieu Tune, Damien Zanoly

Musiciens : Anthony Caillet, Marion Chiron, Benoît Prisset

Scénographie : Véronique Chazal etJean Bellorini

Lumières : Jean Bellorini

Costumes : Macha Makeïeff

Vidéo : Marie Anglade

Genre : théâtre

Public : spectacle adulte

Durée : 2H 30

 

Ce soir, je devais sceller mes retrouvailles avec l’univers de Jean Bellorini dont j’aime tant le travail et dont je regrette amèrement le départ du TGP. L’enthousiasme était à son comble. Malheureusement « le suicidé, vaudeville soviétique» ne m’a pas convaincu.

 

« Le suicidé, vaudeville soviétique » raconte l’histoire de Sémione Semionovitch. Sans travail, il vit avec sa femme Macha et sa belle-mère dans un appartement collectif sous l’ère stalinienne. Petit tyran domestique, il joue du chantage affectif au suicide pour obtenir la satisfaction de ses caprices. Sauf que l’idée du suicide germe. Que son projet s’évente et parvient aux oreilles de différentes corporations. Représentants de l’intelligence, de la religion, des écrivains, du commerce, tous souhaiteraient que cette mort servent leur cause en réveillant les consciences :

« Ce qu’un vivant peut penser, seul un mort peut le dire ».

Ils parviennent à persuader Sémione de passer à l’acte…

« Le suicidé, vaudeville soviétique » est donc une farce politique féroce que Nicolaï Erdman a eu le courage d’écrire, à son corps défendant, en 1928 pour dénoncer, sous couvert du rire, l’horreur du régime stalinien naissant.

D’un point de vue théâtral, le spectacle est superbe. Il en a les moyens : seize comédiens et trois musiciens, un décor à la fois sobre et techniquement imposant, une lumière richement travaillée, des costumes légèrement désuets mais pétillants, une utilisation de la caméra pour une fois pertinente, une troupe homogène et qui joue et chante sans sonorisation individuelle.

Cette réussite scénique ne parvient cependant pas à masquer les faiblesses du texte. Atrocement long et bancal. Pour le faire passer, Jean Bellorini a dirigé ses comédiens dans une hystérisation du jeu, sans nuance. On rit assez souvent, c’est vrai mais au dépens de toute autre émotion. La distanciation est telle que tout fini par sonner faux. De surcroît lorsque Bellorini fait, à juste titre, le parallèle avec Poutine. J’apprécie particulièrement qu’un metteur en scène inscrive son projet dans une problématique contemporaine. Mais la façon dont Jean Belloroni le fait ici - en convoquant une figure émérite du rap russe qui s’est donné la mort au moment de la mobilisation - m’a semblé indécemment opportuniste.

 

 « Le suicidé, un vaudeville soviétique » a le mérite de faire redécouvrir un auteur qui a chèrement payé son courage. Le tout dans une très belle mise en scène. Mais le parti pris vaudevillesque et les insuffisances du texte m’ont terriblement ennuyée. Je n’étais manifestement pas la seule puisqu’il y a eu des départs ; Je n’étais manifestement pas majoritaire puisque le spectacle a été ovationné.

 

Catherine Wolff

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