Olga
21 mars 2023Spectacle de La Micro Cie (13) vu à Pelissanne le 19 mars 2023 dans le cadre d’une soirée organisée par la Compagnie Artéchanges.
Auteure, comédienne, musicienne, scénographe : Anna IDATTE
Création lumière, régie : Alice TALEB
Regards extérieurs : Fabrice VALENZA, Julie FACHE
Type de public : à partir de 8 ans
Genre : Théâtre d’objets et musique live
Durée : 50 min
La Compagnie Artéchanges a organisé cette soirée principalement autour de la danse au profit du festival « Alors on danse ! » prévu les 3 et 4 juin à Pelissanne.
Dans un premier temps nous assistons à la présentation de deux spectacles de « petits danseurs » de très bonne qualité, tout en couleurs et en émotions. En effet pour le deuxième d’entre eux, la Cie Artéchanges a choisi de faire travailler les enfants autour d’un livre : « La couleur des émotions », et c’est très réussi.
Les danseurs adultes présenteront ensuite leur interprétation du même livre. Un spectacle à destination des tout-petits (à partir de 2 ans). Ça fonctionne bien, tout en douceur, en couleurs et très expressif. Je ne doute pas que les plus jeunes auront bien perçu la palette des émotions et les plus grands ne sont pas laissés en chemin grâce à la qualité de la prestation (choix musicaux, chorégraphies).
Dans un autre espace de la salle est installé le décor de « Olga ». Un tout petit appartement, si chargé d’objets désuets que l’on sent bien que la vie qui se déroule ici est bien étriquée.
Olga nous y attend, dos tourné, légèrement voutée, sur son petit tabouret, cheveux grisonnants remontés en chignon.
Le spectacle démarre et Olga tourne son visage blafard vers nous, grandes lunettes grossissant ses yeux fixes qui n’ont plus regardé le monde du dehors depuis longtemps.
Nous nous sentons presque comme des intrus à observer cet intérieur que nous allons découvrir au gré des mouvements d’Olga. Un espace aménagé pour un minimum d’effort où tout est à portée de main.
Olga pourrait être confortable dans cet intérieur qu’elle a conçu à son image, mais ce serait sans compter ce qui se passe dans le monde du dehors. Les nouvelles nous arrivent par l’intermédiaire d’une radio grésillante : il pleut à n’en plus finir, les eaux montent et un envahisseur très inquiétant s’approche dangereusement des humains, l’affreux poisson-croûte. Petit à petit le danger va s’infiltrer dans l’appartement d’Olga, l’eau va déborder, les poissons vont se manifester.
Olga va essayer de conjurer le sort et d’éloigner le danger par la musique (violoncelle, piano), mais la voix off qui nous donne à entendre ce qui bruisse dans sa tête laisse peu d’espoir sur l’avenir.
Ce spectacle surréaliste, fantastique, à l’univers proche des films de Jean-Pierre Jeunet ou des Triplettes de Belleville, nous emmène dans la folie de son personnage sans que l’on ne sache jamais si la catastrophe est vraiment dehors ou juste dans son esprit.
Quoiqu’il en soit cela nous parle du drame de la solitude, de la peur de la catastrophe écologique à venir, de notre expérience du confinement (alors que le spectacle a été imaginé avant la pandémie !).
La prestation de la comédienne est remarquable : yeux grands ouverts qui ne clignent presque jamais, peut-être par peur qu’ils ne se rouvrent plus ou alors pour ne pas perdre le danger de vue ? Elle incarne dans tous ces gestes, déplacements et regards, la lourdeur et la lenteur des gens qui vieillissent seuls.
Les éclairages, très travaillés et calés au cordeau, participent aux différentes ambiances : sépia pour entrer dans l’univers au début du spectacle et ensuite accompagnant petit à petit avec de plus en plus de fureur le danger qui s’immisce.
Les objets et leur manipulation sont d’une grande recherche et très précis. Ils apportent à la fois inquiétude et humour (je me suis délectée de la scène où Olga tape une lettre au Président sur sa vielle machine à écrire avec des gestes amples et bruits à l’envie, pendant laquelle une loupe nous offre son visage grossi et déformé).
Il ne faut pas hésiter à aller visiter le décor après le spectacle car pour ma part je n’ai pas réussi à voir tous les petits détails pendant la représentation tant ils foisonnent.
Pour finir je dirais qu’il est important de respecter deux points pour programmer « Olga » :
-la limite d’âge car j’ai été un peu gênée par les plus jeunes enfants qui ne sont pas entrés dans l’histoire ou qui parlaient et s’agitaient pour conjurer une petite peur naissante !
- le noir autour (à programmer impérativement en extérieur de nuit ou en salle avec noir possible), car cela contribue vraiment à installer l’atmosphère souhaitée.
Marie-Pierre HUSSON