J'ai découvert la haine le jour de mes dix ans
25 juil. 2023Spectacle de la compagnie Personae (49), vu le 22 juillet à l’Atelier Florentin à 15h10 dans le cadre du festival Off d’Avignon 2023.
Texte : Albert Cohen
Mise en scène et interprétation : Sylvie Adjedi- Reiffers
Genre : Seule en scène
Public : Tout public à partir de 12 ans
Durée : 60 mn
Du théâtre citoyen que je souhaitais découvrir cette année, sur un thème peu « festif » mais qui a attisé ma curiosité, tant la perte des illusions et la façon de l’aborder me semble important.
La comédienne, seule sur le plateau, immobile et entourée d’un cercle de bougies allumées, utilise les mots d’Albert Cohen [« Ô vous, frères humains » aux éditions Gallimard]– et rien que ces mots -, pour nous raconter l’histoire de ce jeune garçon, Albert qui a découvert la haine, le racisme et la discrimination le jour de ses dix ans. Un texte fort et tellement d’actualité.
Le jeune Albert a dix ans et sa mère lui donne trois francs – une fortune -, qu’il souhaite utiliser pour acheter du détachant universel à ce camelot qui le fascine et avec lequel il croit partager une intimité forte depuis le temps qu’il l’écoute faire son bonimenteur dans la rue. Mais alors qu’il lui tend son argent, le camelot le traite de « youpin » et autres horreurs, le bannissant de la société des humains.
Les questionnements l’assaillent alors suite à ce choc frontal avec cette réalité, raisonnant bien sur en chacun de nous de façon universelle - comme le détachant ? -, sur l’exclusion, sur le regard des autres, sur les clichés et les idées reçues. Cet enfant, qui porte la France au sommet des symboles de liberté et de tolérance, qui croyait en faire partie, se retrouve dans le champ des exclus, privé de tous les rêves qui l’accompagnaient. Et ils sont nombreux aujourd'hui à vivre cette trahison.
La comédienne est formidable et nous offre un tour de force en tenant son texte sans un mouvement pendant une heure, comme terrorisée et figée sans pouvoir bouger devant tant de haine qui s’affiche. C’est un texte universel bien sûr, mais qui a l’heure où le jeune Nahel a été tué par une police largement raciste, mériterait d’élargir son propos, à mon avis trop centré sur la culture juive, car le texte est déclinable à tous les racismes et exclusions qui ont lieu.
"Bornez-vous à ne pas haïr", telle est la dernière réplique du spectacle. Est-ce-que ce sera suffisant aujourd'hui ?
Eric Jalabert