Le village de l'Allemand
07 août 2023Spectacle de la Cie Les Asphodèles du Colibri (69), vu le mercredi 26 juillet à 9 h 50 au Théâtre des Carmes dans le cadre du festival d’Avignon.
Texte : d’après Boualem Sansal
Mise en scène : Luca Franceschi
Avec : Valérian Moutawé, Nicolas Moisy, Alexandra Nicolaidis, Lysiane Clément, Samuel Camus, Yann Ducruet
Lumières : Samuel Bovet
Composition musicale : Vincent Arnaud
Direction artistique : Thierry Auzer
Durée : 1 h 30
Public : Tout public (à partir de 14 ans)
Le texte Le village de l’Allemand ou le journal des frères Schiller écrit par Boualem Sansal raconte l’histoire de deux frères. Leur mère est algérienne, leur père est allemand. Ils ont grandi en région parisienne chez leur oncle alors que leurs parents sont restés en Algérie. Les années passent, les deux protagonistes prennent chacun des chemins différents. Rachel (la contraction de Rachid et Helmut), l’ainé, représente la « réussite ». Il est un modèle pour Malrich (Malek/Ulrich), son cadet, qui lui, peine à trouver sa place dans le monde.
L’histoire commence lorsque Malrich est appelé sur les lieux du suicide de son frère. Sur place, le commissaire lui confie un journal qui appartenait à Rachel. En le lisant, Malrich va découvrir les lourds secrets de celui qu’il imaginait sans faille.
On va alors, au fil du récit, apprendre, nous aussi, à connaître le personnage de Rachel à travers les souvenirs relatés dans le journal. Il y raconte les terribles découvertes qu’il a fait sur sa famille suite au décès tragique de ses parents en Algérie. Ces révélations seront tellement pesantes qu’elles le mèneront finalement au suicide.
Toute la subtilité de ce cheminement, tous ces souvenirs, enfermés dans ce journal, sont révélés aux yeux du public en même temps qu’à ceux de Malrich.
Il apprend tout d’abord, la mort de ses parents, puis le voyage de son frère jusqu’à Aïn Deb, le village où ils habitaient. Nous suivons avec lui, les pas de Rachel à travers l’Algérie, puis à travers l’Allemagne. Pour finir, éclate cette vérité que leur famille a tenté de cacher et que son ainé n’arrivera jamais à accepter.
Les comédiens, tous deux sur scène, nous entraînent, en jouant en parallèle les souvenirs du journal et la découverte de celui qui le lit, à travers ce terrible récit avec un talent époustouflant. Ils sont touchants et vulnérables et parviennent avec brio à retranscrire les puissantes émotions qui traversent les deux personnages.
Nous sommes captivés dès le début du spectacle par l’ambiance créée sur scène. Envoutés par le rythme et par le soin avec lequel les rôles sont conçus et définis. Emportés par les sentiments, et on s’attache à ces deux frères, à leur quête d’identité et à leur histoire tragique.
La simplicité du plateau et des décors permet de mettre complètement en lumière le texte. Tout concourt à le sublimer, pour qu’il retentisse et qu’il s’insinue dans nos esprits et dans chaque cellule de notre peau, invitant alors à une réflexion et à une introspection profonde.
Un spectacle magnifique sur la transmission de la mémoire et son importance, sur la recherche de soi, la fraternité et la quête d’identité, en combat perpétuel contre l’oubli et le négationnisme.
Marceline WEGROWE