Andromaque
22 nov. 2023Un spectacle produit par l’Odéon-Théâtre de l’Europe (75) et vu le 21 novembre à l’Odéon.
Texte : Jean Racine
Mise en scène et scénographie: Stéphane Braunschweig
Comédiens : Pierric Plathier, Jean-Baptiste Anoumon, Alexandre Pallu, Jean-Pierre Vidal, Bénédicte Cerutti, Boutaïna El Fekkak, Chloé Rejon, Clémentine Vignais.
Collaboration à la scénographie : Anne-Françoise Benhamou
Lumières : Marion Hewlett
Genre : Théâtre
Public : adulte
Durée : 1H55
Découvreuse de Braunschweig dès la première heure, je me suis éloignée de son travail à mesure qu’il se notabilisait. Mais c’était « Andromaque » et à « Andromaque », je ne saurais résister. À tout point de vue, j’ai bien fait.
J’ai bien fait de me laisser tenter car de cette pièce chérie entre toutes, j’avais tout oublié. Dieu sait que je l’avais bossée en hypokhâgne, apparat critique compris. J’en connais encore des tirades entières mais totalement déconnectées de l’intrigue. Surtout, je n’avais plus le moindre souvenir de cette extraordinaire entorse au classicisme et que Braunschweig met en exergue par la couleur des costumes contemporains : Andromaque est la seule à ne pas être gouvernée par ses passions en conséquence de quoi, elle est la seule à survivre. Quel comble pour une héroïne tragique. Quelle leçon pour nos contemporains qui s’entretuent !
Le point fort de Braunschweig a toujours été la scénographie. Son Andromaque ne déroge pas à la règle. Le décor est d’une grande sobriété. Tout au long de la pièce qui ne cesse de convoquer le souvenir de la guerre de Troie, les comédiens évoluent dans une flaque circulaire rouge sang. A cet invariant prennent place, tout à tour, au fil des actes, une table blanche et des chaises baignées d’une lumière tamisée à la manière d’une nature morte, des projections en ombres chinoises des protagonistes qui pataugent à l’envie dans leur fange, un miroir, une musique sourde et angoissante. Le tout est découpé par une lumière de toute beauté…. Quand elle fonctionne.
Il y a eu ce soir un mouvement de grève inopiné d’une partie des techniciens pour peser sur les négociations salariales. Un compromis a été trouvé : ça joue mais la lumière sera aléatoire pendant une heure. Ambiance assurée dans cette salle très bourgeoise ! Il n’empêche, cette petite surprise a permis de confirmer la force du jeu des comédiens. Non seulement aucun ne s’est démonté devant quelques effets lumineux surprenants mais en plus ils ont tous su nous émouvoir. Ils sont huit sur scène, malheureusement sonorisés, mais quelle verve. Quelle diction des alexandrins ! Quelle façon de faire ressentir les traumatismes de la guerre, la toute puissance des hommes, les stratégies de survie des femmes. Mention spéciale à Alexandre Pallu en Pyrrhus et à Pierric Plathier en Oreste. Le premier campe un guérilleros flegmatique, drôle et incroyablement touchant, tandis que le second, une fois décillé, exprime une folie digne de celle d’Hamlet ou de Raskolnikov.
« Andromaque » mis en scène par Stéphane Braunschweig est un superbe spectacle, une belle leçon de littérature, de théâtre et d’humanité.
Catherine Wolff