Gagarine is not dead
Gagarine is not dead

Spectacle des compagnies Les Sanglés & En corps En l'air (93), vu le 16/11/2023 à Cergy (95) à 14h45.

 

Auteurs/comédiens : Mélodie Buffard, Hugues Delforge, Lolita Moralès, Guillaume Loconte

Mise en scène : Hélène Savina Ribeyrolles et Aurélia Tastet

Costumes : Magali Castellan

Conception et construction : Florian Wenger, Quentin Alart, Hydrosystem

Type de public : Tout public

Genre : Théâtre de rue

Durée : 1h

 

Le 12 avril 1962, Yuri Gagarine est le premier homme à effectuer un voyage dans l’espace. 60 ans plus tard, une petite troupe tente de réitérer l’exploit en son hommage.

 

Le spectacle est animé par quatre acrobates qui, après nous avoir fait part de leurs ambitions spatiales, introduisent le cinquième protagoniste : une vieille grue hydraulique sur patte, une sorte d’araignée tentaculaire pivotante censée les propulser, eux et leur relique de Gagarine, dans l’espace. Rapidement, ils commencent à danser, tournoyer autour de leur machine pittoresque, jusqu’à s’y agripper avec de plus en plus de témérité et se retrouver, littéralement, sur orbite. Il faut le voir pour comprendre toute la puissance de cet envol, la légèreté formidable qu’inspire la trajectoire des corps autour du mouvement rotatif des pompes hydrauliques. C’est beau et impressionnant, une sorte de poésie visuelle instantanée que l’on ressent avec d’autant plus de force par la fluidité et la proximité de la performance.

À partir de là, le spectacle ne cesse de surenchérir sur cet effet, avec divers costumes, accessoires et situations, toujours plus ingénieux et intelligemment mis en scène.

Le petit jeu théâtral encadrant les différentes acrobaties joue bien son rôle de prétexte et de stimulant pour l’attention du public mais je ne l’ai pas trouvé à la hauteur du reste. Il repose beaucoup sur l’utilisation (parfois un peu abusive) de ressorts faciles, comme la mention du profil Instagram ou le lancement de compte-à-rebours, et comporte aussi trop de longues logorrhées technico-scientifiques à visée comique mais qui ne fonctionnent pas. Mais surtout, il manque de cohérence, ce qui donne au spectacle un côté décousu et brouillon, essayant parfois de nous faire voyager, parfois de nous raconter une vague histoire sans vraiment s’y tenir, ou revenant de temps en temps à un registre circassien basique.

Par exemple, la machine spatiale nous est présentée de manière surprenamment pragmatique  : on nous parle de soudures, de garage et de bon coin au lieu de nous parler de propulseur, de turboréacteur et de vitesse supersonique. Plus tard, on nous demande de l’oublier pour se concentrer sur les acrobates et enfin, il faut faire semblant de croire qu’elle décolle ; au final, elle ne trouve pas vraiment de place dans notre imagination et on en est réduit à regarder béatement les acrobaties sans trop réussir à leur donner de contexte. C’est dommage car, n’étant ni très difficiles ni très impressionnantes, elles prennent essentiellement leur force dans leur caractère enivrant, qui reste assez loin de son potentiel.

Au final, le spectacle repose entièrement sur sa formidable poésie visuelle sans l’exploiter autrement qu’à l’état brut. La machine et les décors sont tellement bien que ça marche, mais sans cette saveur qui nous laisserait, en sortir de représentation, la tête dans les étoiles.

 

Alexandre SAINT-DIZIER

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