Crédit photo : Marie Charbonnier

Crédit photo : Marie Charbonnier

Parler pointu

Spectacle de la Compagnie Studio21 vu le 7 février 2024 à Châteauneuf de Gadagne (84), programmation de La Garance-Scène Nationale de Cavaillon

 

Initiateur du projet, écriture et jeu : Benjamin Tholozan

Ecriture et mise en scène : Hélène François

Création musicale : Brice Ormain

Scénographie : Aurélie Lemaignen

Avec : Benjamin Tholozan et Brice Ormain

Diffusion : La Loge, Coralie Harnois

Durée : 1h15

Public : à partir de 12 ans

 

Pour Benjamin Tholozan c’est une double première : la première fois qu’il joue ses propres mots et quelque chose de sa propre histoire. Et ce soir la première fois qu’il joue ce spectacle dans le Sud… il l’a déjà rôdé à Paris, mais ça n’était pas pareil !

 

Eh oui car c’est bien de Sud qu’il est question ce soir. Le ton est d'emblée donné  puisqu'il propose à ceux qui le souhaitent de déguster un petit pastaga, flamby, 51 ou 102 (ceux qui connaissent apprécieront). Quelques mains se lèvent, les verres circulent, bienvenu chez nous !

S’ensuit une petite séance de cuisine aux effluves méditerranéennes, accent façon Maïté, ça vous revient ?

Parler Pointu est un spectacle de souvenirs aux accents du Sud. Parler Pointu c’est la manière de qualifier l’accent parisien, celui pour lequel les parents de Benjamin ont dépensé une fortune… afin qu’il le perde quand il est monté à Paris faire le comédien.

Et le jour où son pépé est mort on lui a demandé de lire un hommage, car il parle bien. Mais personne n’a rien compris avec son « parler pointu » !

Alors il a décidé que le moment était venu d’interroger l’histoire qui l’a amené à s’éloigner de ses racines. Cette Histoire de la France qui a voulu gommer les accents et les particularités régionales à coup d’humiliations à l’école pour les enfants qui osaient parler patois, à coup de guerres et de croisades sanglantes à commencer par le massacre des Albigeois au XIIIème siècle sur ordre du pape.

Celle aussi de ceux qui résisteront comme cette femme qui, en 1952, mettra le feu au théâtre de Nîmes car l’accent de son fils a été jugé rédhibitoire lors d’une audition. Ce même théâtre où son pépé a chanté. Et c’est ainsi que la grande histoire croise l’histoire familiale de Benjamin Tholozan.

Ses grandes qualités de conteurs, son énergie débordante, son sens du rythme et du comique nous feront passer des grandes croisades au repas de famille hilarant. Il saute d’un personnage à l’autre et d’un registre à l’autre avec une habilité déconcertante. Et j’ai beaucoup ri dans ce spectacle qui revisite tour à tour Un air de Famille, Les Visiteurs ou Sacré Graal.

Benjamin Tholozan ne se ménage pas et nous offre une prestation enlevée. J’ai rigolé mais j’ai aussi été émue et j’ai beaucoup appris.

Il n’épargne pas non plus l’académisme parisien du monde du théâtre et ça, ici dans le Sud, ça fait chaud au cœur. Parler pointu porte donc aussi un propos politique puisque même un homme tel que lui, de quarante ans, blanc, bourgeois, peut être victime d’une forme de violence symbolique. En l’occurrence, cette dernière l’a amené à tout faire pour perdre son accent jugé indigne des plateaux de théâtre français comme de bien d’autres lieux de pouvoir. Il le nommera même clairement : la glottophobie.

La mise en scène riche et ne laissant pas de place aux temps morts nous emmène tour à tour dans la garrigue, à l’opéra, dans la salle à manger familiale et même sur l’aire d’autoroute de Caissargues à la recherche des vestiges du théâtre brûlé !

Les intermèdes musicaux apportent humour, respiration et émotion. Quand le public accompagne les chants en occitan,  la dynamique est parfaite.

Un spectacle à consommer et à conseiller sans modération !

 

Marie-Pierre Husson

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