Sentinelles
Sentinelles

Un spectacle produit par la MC93 (93) et vu au Théâtre du Rond-Point (75) le 6 février 2024.

 

Texte, mise en scène et scénographie : Jean-François Sivadier/

Comédiens : Vincent Guédon, Julien Romelard, Samy Zerrouki

Sons : Jean-Louis Imbert

Regard chorégraphique : Johanne Saunier

Genre : Théâtre musical

Public : tout public

Durée : 2H20

 

JF Sivadier m’a offert un souvenir impérissable avec « Italienne, scène et orchestre ». Je le croise très régulièrement au théâtre. L’un dans l’autre, j’avais envie d’approfondir son univers. « Sentinelles » est un spectacle de très haute tenue qui m’a néanmoins laissée  sur ma faim.

 

Le spectacle s’ouvre sur une master class. Les élèves que nous sommes ont l’honneur d’accueillir l’illustre concertiste Mathis Schlimann. Entre le maître ingérable et le poids d’une histoire qui semble le lier au directeur de l’école, la rencontre vrille d’emblée. En un grand flash back, c’est cette histoire là que nous allons découvrir ; les années d’amitié et de formation au plus niveau des deux hommes - Mathis et Raphaël - et de leur comparse Swann.

Depuis « Italienne, scène et orchestre », on savait Sivadier mélomane. Il le confirme ici dans un texte pointu, riche en références et qui interroge le rapport à l’art et à sa pratique. Telle une mise en abyme, l’érudition n’empêche pas le partage. Le texte, souvent très drôle, est porté par des comédiens exceptionnels.

Sur un plateau nu que seule habite une bâche qui, relevée, fait office d’écran, les trois comédiens incarnent, généralement en pleine lumière, et avec des changements à vue, trois tempéraments au double sens du terme : Julien Romelard campe un Raphaël en prise au monde ; Samy Zerroucki interprète un Swan, genre premier de la classe hypersensible à en être benêt ; Vincent Guédon joue un Mathis avatar de Glenn Gould, flamboyant et anticonformiste. Tout les oppose mais l’amour de la musique les unit. La joute oratoire autour de leurs compositeurs d’élection et dans laquelle le public est pris à parti est un bijou hilarant de rhétorique et d’analyse musicologique. D’autres scènes sont particulièrement bien trouvées. Pour montrer le travail intérieur et l’émotion des musiciens, l’extrait musical est passé au moment même où chacun ouvre sa partition. Chaque audition est mimée par une gestuelle des mains magnifiées par du talc. Pour changer de rythme, nos trois comédiens peuvent aussi danser à vue ou en ombre chinoise. Tous ces artifices de mise en scène, très efficaces,  compensent des acteurs qui ne sont peut-être pas musiciens ; Le doute est permis dans la mesure où ils entonnent a capella un Purcell. C’est donc peut-être un choix de mise en scène pour mieux faire entendre au public des enregistrements  anthologiques dans un son parfait. C’est un choix légitime mais à titre personnel, j’aurais apprécié plus de musique live, moins de longueur et de bavardage.

 

« Sentinelles » est un spectacle d’une grande intelligence et d’une grande sensibilité. Le public a ovationné. Je suis restée plus mitigée.

 

Catherine wolff

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