Les Cavalières
20 mars 2024Un spectacle produit par la compagnie les Merveilleuses (75) et vu au Théâtre de la Colline le 19 mars 2024.
Conception et mise en scène : Isabelle Lafon
Ecriture et jeu : Sarah Brannens, Karyll Elgrichi, Johanna Korthals Altes, Isabelle Lafon
Genre : théâtre
Public : adulte
Durée : 1h15 (mais de fait 1H45)
Depuis de nombreuses années, je suis fidèle au travail d’Isabelle Lafon dont j’apprécie l’approche originale du théâtre. « Cavalières » m’a emballée.
En vertu du titre et des personnages, la métaphore équestre s’impose. Denise (I.Lafon) est entraîneuse de trotteurs et tutrice de la petite Madeleine en situation de handicap. Elle décide de partager son immense appartement avec trois autres femmes. La première, Saskia, est une amie d’enfance, danoise et ingénieure de son état, fine cavalière également. Les deux autres, Jeanne et Nora, débarquent suite à la parution d’une petite annonce singulière : le logement proposé l’est à des prix modestes à condition de s’occuper de la petit Madeleine, de venir sans meuble et de connaître le monde équestre. Malgré un début chaotique, la petite communauté se forme et offre à chacune des protagonistes l’énergie nécessaire pour passer le seuil difficile à franchir que la vie leur tendait.
Elles sont quatre sur scène, sonorisées, sur un plateau nu que seuls éclairent des gobos. Une allemande noire permet de dessiner une perspective cavalière ( !) du plus bel effet. Dans cet espace vide, la parole est reine. On parle de tout, de rien, souvent en frontal et parfois en mime. On partage le présent mais jamais le passé dont on ne saura que le strict nécessaire pour comprendre la réunion de ces quatre femmes de milieux et d’âges différents. Elles finissent par former « une drôle de famille bastringue » qui communique par petits mots, lettres et mises au point enlevées. Porté par des comédiennes merveilleuses d’émotions, de pudeur et de sincérité, chacun des personnages est doté d’un caractère bien trempé. Denise est bourrue et sentimentale ; Saskia est toute « en diplomatie danoise » ; Jeanne est adorable de confusions tandis que Nora campe une femme décidée et franche.
De leurs confrontations amicales, du texte et de la mise en scène naissent des moments très drôles. Au début de leur cohabitation, elles débriefent leur semaine le vendredi soir. Un gobo dessine une petite pièce dans laquelle il faut imaginer une immense table à laquelle chacune d’entre elles se heurte tour à tour dans la fougue de sa parole. Monter à cheval nous dit Denise, c’est comme écrire ; jouer du théâtre, c’est comme si on jouait tout court. Aux comédiens d’inventer la situation- « c’est comme si »/ « on dirait que »- ; aux spectateurs d’en accepter les conventions ou, en l’occurrence, leur transgression.
« Cavalières » est un spectacle dense et d’une grande humanité où il est question de s’accepter mutuellement dans ce que l’on est au présent, dans nos différences, tout simplement.
Catherine Wolff