Hamlet(te)
15 mai 2024Un spectacle produit par le TGP (93) et vu au TGP le 14 mai 2024.
Texte : D’après Shakespeare
Adaptation et Mise en scène: Clémence Coullon
Scénographie et régie générale: Angéline Croissant
Musique originale : Marc Bretonnière
Costumes : Marion Duvinage et Marion Montel
Lumière : Félix Depautex
Comédiens : Alexandre Auvergne, Chloé Besson, Olivier David, Lomane de Dietrich, Hermine Dos Santos, David Guez, Sébastien Lefebvre, Hugo Merck, Guillaume Morel, Shekina Mangatalle-Carey, Hélène Rimenald, Basile Sommermeyer, Julie Tedesco, Léna Tournier Bernard
Genre : Théâtre
Public : Tout public
Durée : 2H (mais officieusement 2H10)
Qu’est-ce qui a bien pu me pousser à sélectionner ce Hamlet dans le programme du TGP. Mon goût pour la pièce ? Cette intrigante féminisation du titre ? Le soutien que Julie Deliquet, directrice du lieu, apporte à la jeune création dans le cadre de l’opération Premiers Printemps ? Qu’importe mais j’aurais mieux fait de m’abstenir.
Il faudra attendre les deux tiers du spectacle soit la fin du troisième acte pour comprendre le titre. La pièce se découpe en deux parties : la première donne à voir un Hamlet relativement classique ; la seconde, sa mise en abyme.
Les trois premiers actes s’ouvrent sur un décor somptueux et bien investi : une avant-scène court dans le public et permet des scènes d’une grande proximité. Un panneau blanc, amovible, en biseau découvre, une fois levé, l’intérieur du palais du roi du Danemark : un escalier d’apparât donne sur une balustrade qu’éclaire une grande baie vitrée. Deux lustres, deux paires de chaises princières et quatre pans de tissu en forme de colonnes dessinent la perspective.
Ce faste est d’emblée contredit par le parti pris de mise en scène. Le casting interpelle. L’oncle et la mère d’Hamlet paraissent aussi jeunes que le héros. Surtout le jeu des 14 comédiens, en voix naturelle, est outré, grimaçant et gesticulant. Il s’agit de faire rire à tout prix. On pourrait y voir des réminiscences du travail d’Irina Brook. Mais pour moi, cette fausse irrévérence ne parvient qu’à massacrer la pièce. Il y a néanmoins de jolies trouvailles. Le spectre, casqué et juché sur des échasses, est très réussi dans sa démarche arachnéenne. Les lumières rythment élégamment les différentes situations, notamment la très belle scène du spectacle, en pantomime et en chansons, qu’organise Hamlet pour démasquer son imposteur et assassin d’oncle.
On bascule dans la deuxième partie avec Ophélie. Par inadvertance, elle marche sur une carabine qui traîne par terre. Le coup part et tue son cher et tendre. Tandis que la comédienne qui joue Ophélie révèle un potentiel comique insoupçonné, la supposée metteuse en scène, flanquée de son assistante Joséphine, débarque sur le lieu de l’accident, en panique. Comment continuer la pièce maintenant que le principal protagoniste est mort ? La seconde partie, sous couvert parodique, est une réflexion sur le théâtre. Tout n’est qu’illusion et acceptation des conventions théâtrales. Qu’à cela ne tienne et puisqu’Ophélie meurt dans la pièce, c’est sa comédienne qui portera désormais le rôle phare. Quant au décor, il n’a plus qu’à se délabrer sur lui-même. Là encore, il y a des moments de grâce comme la chorégraphie des fossoyeurs, inondés de lumière rouge et de fumigènes. L’intermède de l’assistante en ouvreuse de cinéma qui vient distribuer ses friandises pour faire diversion sur la catastrophe en cours a mis le public scolaire en liesse. Mais pourquoi une telle hystérisation du jeu ? Pourquoi ce méta-langage et cette distanciation alors que l’une des grandes forces de Shakespeare est d’avoir inventé la mise en abyme et le discours sur le théâtre ?
Malgré une réelle créativité et une scénographie de grande qualité, je n’ai pas compris l’intérêt de la proposition ni son traitement. Si au moins le ton entre les deux parties avait été nettement différent, j’aurais peut-être adhéré. Mais ce jeu parodique m’est insupportable. C’est peut-être mon snobisme : la salle a ovationné. Quoiqu’il en soit, il n’en demeure pas moins qu’à un si jeune âge (28 ans, tout juste sortie du conservatoire) Clémence Coullon a su prouver sa capacité à porter un projet ambitieux.
Catherine wolff