Classement sans suite
Classement sans suite

Spectacle du Théâtre CreaNova (1060 Bruxelles) vu le mardi 16 juillet 2024 au Théâtre la Luna (84) à 18h30 dans le cadre du Festival OFF d’Avignon 2024.

 

Mise en scène : Luca Franceschi

En collaboration artistique avec l’avocate pénaliste : Caroline Poiré

Comédiens : Luca Franceschi, Julie Marichal, Grégory Nardella, Caroline Poiré, Carole Ventura, Fabio Zenoni

Musique : Trio Zéphyr

Type de public : Tout public à partir de 14 ans 

Genre : Théâtre citoyen, féminisme, humour

Durée : 1h10

Décor : minime mais pointilleux (jusqu’au verre de vin). La scène accueille des tables, des tabourets, un pupitre, des portes manteaux avec de nombreux accessoires et costumes. La régi est faite sur scène par le comédien Luca Franceschi.

 

Il faut être soutenu, solide et avoir les moyens pour entamer des poursuites contre son agresseur.

 

Le classement sans suite est la décision prise par un magistrat du parquet de ne pas donner suite à une affaire, conformément au principe d'opportunité des poursuites. Depuis 2017, Théâtre CreaNova poursuit avec leur troisième volet leur objectif de faire du spectacle vivant une scène engagée dans la défense des droits des femmes. Cette fois-ci, ils choisissent le thème du classement sans suite pour leur pièce, accompagné dans l’écriture de Caroline Poiré, avocate pénaliste au Barreau de Bruxelles.

L'objectif ici est de souligner les enjeux de déposer une plainte après chaque agression. Ces victimes décident de ne plus accepter ces violences sans réserve et avec courage, parlent afin qu’aucune ne vive ce qu’elles ont vécu.

Sur scène, cinq comédiens se présentent comme les symboles de notre société. Il y a une victime, un persécuteur (ou bourreau) et un sauveur qui peut être l’entourage, les associations et les institutions judiciaires. 

La problématique semble ordinaire et toujours redondante (pour certains), pourtant, toutes les déclinaisons que même nous n'avons pas encore imaginées sont représentées. Les comédiens vont au bout des possibilités pour mieux cerner les enjeux. Le personnage de Vincent jouant l'agresseur est le professeur, l'oncle, le mari… Quant à la victime, Griselda est la femme, le petit garçon, la prostituée qui se fait abuser. 

La mise en scène est très rythmée, nous plonge dans un cauchemar avec de vrais témoignages, puis nous fait rire nervesement avec les interprètes qui se positionnent toujours contrôlés par un jeu d'acteur réussi. 

C’est intimiste, intelligent et perturbant, on a l’impression d’assister à une réelle conversation. Les comédiens se disputent, cris de rage, sur la légitimité des paroles et des actes de leurs personnages. Vincent va mettre en doute le rôle de l'agresseur, « ce ne sont pas tous des connards », en parlant d'éducation, mais se fait remballer par les comédiennes puisque rien n'explique les actes de violence. J’aurais aimé que cette scène dure plus longtemps en explorant l’éducation et le tabou du viol souvent utilisé comme excuse. 

« Cela fait longtemps que nous, les femmes, nous comprenons la thématique et que vous, les hommes, vous venez juste d’atterrir alors que même vos mères l’ont compris, elles aussi. »

À la fin, la pièce nous laisse réfléchir sur nos propres actions continuellement stéréotypées. À t’ont toujours fait attention au consentement de notre partenaire ? Avons-nous jamais jugé la victime en se demandant si elle est responsable ? A-t-elle été assez claire dans son non ? 

Les rôles ne sont pas fixés et nous passons très facilement de la victime au persécuteur ou au sauveur, au cours de notre vie. Cela nous renvoie à notre réalité : personne n’est pour rien. Nous normalisons même aujourd’hui après MeToo la culture du viol. 

 

Clara ROCHE

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