Spectacle de la compagnie Le Grenier de Babouchka (92) vu au théâtre du Chien qui fume, mardi 9 juillet à 14.50 h, dans le cadre du Festival Off d’Avignon, du 29 juin au 21 juillet sauf mercredi.
Mise en scène Jean Philippe Daguerre,
Avec Jean-Jacques Vanier, Aladin Reibel, Raphaëlle Cambray, Théo Dusoulié, Julien Ratel, Juliette Behar, Jean-Philippe Daguerre
Musique : Hervé Haine
Costumes : Virginie H
Scénographies et Décors : Antoine Milian
Création lumières : Moïse Hill
Genre Théâtre / fresque sentimentale
Tout public à partir de 11 ans
Durée 1.30 h
Impossible de rater la nouvelle création de Jean Philippe Daguerre et du Grenier de Babouchka, dont le magnifique « Adieu Monsieur Haffman » m’avait enthousiasmée… C’est une histoire d’amitié, d’amour, qui nous est proposée aujourd’hui, une plongée dans le monde des mineurs, en 1958, dans une petite ville du nord de la France, Nœux-les-Mines. La salle est comble, il ne reste pas même un strapontin.
Le plateau est entièrement occupé par un décor de grande ampleur. Une structure centrale en bois représente le zinc d’un troquet, devant lequel sont installés une table et des chaises. À cour, les cages qui constituent la volière de Vlad. Derrière, en fond de scène, un espace sombre, de lumière rasante, qui évoque « l’antre » de la mine. À jardin, une carrosserie de voiture tronquée, une calandre avec de gros phares…
Pierre et Vlad partagent une amitié solide, entre moments difficiles au fond de la mine, et moments de détente à élever des pigeons voyageurs pour Vlad et à jouer ensemble de la musique dans l’Orchestre d’accordéons dirigé par Sosthène, le père de Pierre.
En cette année 1958, Sosthène a fait l’acquisition d’une télévision qui émerveille tout le monde, qu’on installe dans le troquet de Simone, son épouse. Tous les amis vont pouvoir suivre les exploits de l’équipe de France, dans laquelle sont engagés plusieurs joueurs du Nord, dont l’enfant du pays, Raymond Kopa, issu d’une famille de mineurs.
Dans le monde des « Gueules noires », les mineurs de toute origine se côtoient et souffrent ensemble, la solidarité et l’amitié semblant alors prendre le pas sur un racisme encore contenu… Il y avait de nombreux polonais, italiens, mais aussi des marocains, dont seuls quelques-uns étaient venus s’installer avec leur famille. C’est le cas de Leïla, venue avec ses parents, qui joue de l’accordéon et que Sosthène veut intégrer dans l’Orchestre… Pierre et Vlad en tombent rapidement amoureux, ce qui va sérieusement écorner leur amitié.
La pièce dépeint avec réalisme la vie difficile des mineurs des années 50, qui descendaient très jeunes dans la mine. Le travail était dur, peu sécurisé, beaucoup attrapaient la silicose, comme Sosthène d’ailleurs… Mais aussi les nombreux moments de joie et de détente dehors, au son des accordéons dans le troquet de Simone !
Jean Philippe Daguerre a imaginé des caractères bien construits, et des dialogues ciselés, portés par une distribution choisie. Les comédiens, tous excellents, sont réellement habités par leurs personnages, auxquels on ne peut manquer de s’attacher. On suit avec passion les événements qui jalonnent le chemin de ces deux familles intimement liées, déjà éprouvées, mais qui vont l’être encore par la jalousie, la maladie et la mort. On est heureux ou triste à leurs côtés.
La scénographie, bien compartimentée, permet, sur l’espace réduit du plateau, de bien situer le lieu de l’action, aidée en cela par les éclairages. On imagine ainsi sans peine le voyage en voiture de Sosthène et du docteur qui accompagnent les trois jeunes au concours d’accordéon. Le jeu et les déplacements sont fluides, l’action est ainsi très facile à suivre.
Télérama utilise les mots de « théâtre à l’ancienne, artisanal » pour définir ce spectacle. Je dois dire que cette définition me paraît cohérente, en ce sens que cette proposition me rappelle les œuvres de Pagnol, qui dépeignait de la même manière la vie des gens du Sud, leurs joies, leurs peines.
Captivant et émouvant… Et ovationné par le public debout !
Cathy de Toledo