Jacques de Bascher
23 juil. 2024Spectacle par la compagnie Gueule d'ange (75), vu le 19 juillet 2024, au théâtre des brunes à 22h40, dans le cadre du festival Off d'Avignon.
Texte et interprétation : Gabriel Marc
Mise en scène : Guila Braoudé
Création lumière : Jérôme Peybrune
Chorégraphie : Julien Mercier
Décor : Erwan Rio
Musique : Ilan Braoudé
Genre : théâtre contemporain / seul en scène
Public : à partir de 16 ans
Durée : 1h15
Non, je ne fais pas parti des publics qui ont pu regarder une série récente autour de Karl Lagerfeld sur une plateforme. Non, je ne fais pas aussi parti du public friand du monde de la mode... au contraire. Je ne suis pas non plus adepte des biopics théâtraux ou cinématographiques. Par contre, je suis curieux. Jacques de Bascher est une personnalité dont on parle peu et qu'on évoque quand il s'agit de la vie d'Yves Saint-Laurent ou de son meilleur adversaire de la haute couture. Je trouve que c'est un pari risqué que de prendre les traits d'un dandy qui n'aura quasiment existé que dans l'ombre de deux célèbres créateurs. Je suis donc allé au Théâtre des Brunes. Les banquettes rouges sont bien au frais sous la clim.
La pièce se déroule un soir, une nuit où Jacques de Bascher apprend qu'il est positif au VIH. À cette époque, il a 33 ans. Etant fou amoureux de son Karl, il refuse pour autant de lui dire les choses en face, craignant sa réaction et son abandon. Ayant aussi peur de disparaître dans l'oubli, il décidera donc d'enregistrer les mots qu'il veut lui dire sur une bande audio. Le témoignage est coupé de flashbacks sur leur rencontre, mais aussi sur les soirées à excès et les aventures charnelles du mondain parisien. Le décor scénographique est à l'image du personnage, dans l'appartement luxueux que Karl lui avait offert. En fond de scène, on y voit une baignoire en sorte de PVC des boîtes de nuit. Plus tard, elle se métamorphosera en canapé. En avant-scène, le côté cours dévoile une table sur laquelle repose le matériel d'enregistrement et de l'alcool. En face, mis à part un petit portant avec des vêtements et un certain bordel au sol, vous y verrez une chaise, ou plutôt un fauteuil des nuits du dance floor. Quelques projections se feront sur le mur noir du théâtre.
Si tous les seuls en scène étaient comme celui-ci, je serai le premier à y aller. Le personnage est convaincant ; le comédien l'adaptera et le défendra avec son propre style. C'est donc un pari réussi ! Le spectacle est à l'image du célèbre prince de la nuit : outrancier, mais pas insultant ; grossier, mais pas vulgaire. Une interprétation distinguée, juste et envoûtante. Même les scènes de soirées extravagantes, au plus extrême, ne sont pas choquantes. Bref, c'est un récit scénique intime qui nous fait voyager, pour un.e.s qui ne connaissent pas les années Palaces. C'est aussi un témoignage pour les autres qui l'ont vécu. Une beau seul en scène qui réalise certainement l'un des rêves de Jacques Bascher : ne pas tomber dans l'oubli.
Maxime Farsetti