LA DISPARITION DE JOSEF MENGELE
LA DISPARITION DE JOSEF MENGELE

Spectacle proposé par la Cie L’idée du Nord (45) et vu au théâtre du Chêne noir le 19 juillet dans le cadre du Festival d’Avignon 2024.

 

D’après le roman d’ Olivier Guez (Prix Renaudot 2017)

Mise en scène: Benoit Giros

Adptation et jeu : Mikael Chirinian

Création sonore : Isabelle Fuchs

Genre : Théâtre contemporain seul en scène

Durée : 1h10

À partir de 12 ans

 

La prestation est au départ un témoignage, glaçant, sur la fuite d’un homme qui se réfugie en Argentine vers la fin des années 40. Josef Mengele, criminel nazi surnommé « L’ange de la mort », va passer quarante ans à vivre en Amérique du Sud, sous une fausse identité, et terminera ses jours au Brésil sans jamais avoir été arrêté ni jugé pour ses crimes odieux.

 

Les seules fois où Mikael Chirinian incarne Mengele, il se transforme et nous met mal à l’aise, il a peur d’être démasqué, il éructe, il ne comprend pas que des centaines de ses pairs ont réussi à fuir et à rentrer pour certains en Allemagne, à rebâtir une carrière au su et au vu de tous ! Pourquoi les Juifs et le monde entier se liguent-ils contre lui en le pourchassant sans relâche ? On devine le démon dans cet homme ordinaire, sa conviction intime d’appartenir à une race supérieure, de n’avoir fait que son devoir en exterminant 400 000 hommes, femmes et enfants.

Son seul tribunal, c’est son fils Rolf, qu’il n’avait rencontré que quelques jours avant sa fuite, qui lui infligera, sur le pas d’une porte au Brésil. À son fils, humaniste et porteur de cet héritage génétique angoissant qui l’accable de questions sur le pourquoi des atrocités commises durant la guerre, il se justifiera, fier de la mission qu’il a menée à bien pour la gloire de Hitler et de l’Allemagne nazie. Aucun remord, jamais, une conviction inébranlable : les juifs ne sont pas et ne seront jamais des hommes…

Accablé par ce monde qui se transforme autour de lui dans les années 70, il sombrera dans la paranoïa, la maladie et la solitude seront ses seules compagnes. Il mourra au Brésil sous une fausse identité en 1979. C’est son fils, quelques années plus tard, qui révélera l’identité de son père et permettra à la justice de le déclarer mort et de cesser sa chasse à l’homme ; Josef Mengele a bénéficié toute sa vie du soutien de sa famille, d’amis et d’états. Comment un homme responsable de tant de victimes peut-il échapper à la justice avec la complicité de tant de responsables politiques et durant tant d’années ?

La prestation de Mikael Chirinian est tout bonnement époustouflante. J’appréciais déjà beaucoup ce comédien pour l’avoir vu sur scène plusieurs fois, mais là, j'ai été bouleversée par son récit et par son jeu : il est calme et « journalistique » lorsqu’il relate les faits, même les plus terribles, il est terrifiant lorsqu’il incarne un Mengele terrorisé, pleutre et incapable d’empathie, restant droit dans ses bottes en racontant l’inavouable.

« Toutes les deux ou trois générations, lorsque la mémoire s’étiole et que les derniers témoins des massacres précédents disparaissent, la raison s’éclipse et des hommes reviennent propager le mal. » « Méfiance, l’homme est une créature malléable, il faut se méfier des hommes. »Olivier Guez.

Pas de commentaire sur la période actuelle, seulement que ces derniers mots m’ont mis les larmes aux yeux. 

Une pièce magnifiquement mise en scène par Benoit Giros et interprétée par un Mikael Chirinian habité et inoubliable. Mon vrai coup de cœur de ce Festival 2024…

 

Evelyne Karam

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