LE CHOEUR DES FEMMES
13 juil. 2024Spectacle de la Cie Actes uniques vu au théâtre Arthéphile, le vendredi 5 juillet à 14 h, dans le cadre du Festival Off d’avignon, du 03 au 21 juillet sauf mardi
D’après Martin Winckler, adaptation Violaine Brébion
Mise en scène et interprétation Violaine Brébion, Xavier Clion, Clotilde Daniault
Collaboration artistique David Gauchard
Genre théâtre
Tout public à partir de 7 ans
Durée 1.20 h
J’ai pu apprécier il y a quelques années une adaptation théâtrale de La Maladie de Sachs du même auteur, médecin de formation. Parmi les nombreux spectacles présents au Off, j’ai noté cette proposition de mise en scène d’un autre ouvrage de Martin Winckler. Je me trouve aujourd’hui parmi les spectateurs d’Arthéphile dans une salle bien remplie.
Martin Winckler met en scène une jeune interne, Jean Atwood, brillante et ambitieuse, qui vise un poste de chef de clinique en chirurgie gynécologique. Mais elle est contrainte de passer son dernier semestre d’internat dans le service de Médecine de la Femme du Dr Franz Karma. Elle arrive dans l’Unité 77 avec des idées préconçues, tant sur le chef du service que sur la clientèle et les pathologies traitées… Son attitude froide et méprisante l’amène à s’opposer violemment au Dr Karma, qui lui propose cependant un marché : sept jours d’observation et d’obéissance, avant de décider de rester ou non pour 6 mois, non sans lui avoir recommandé en premier lieu la lecture de l’ouvrage « Le corps des femmes ».
Ce médecin « vieille école » va lui faire entrevoir que ce ne sont pas ses pairs qui vont lui apprendre son métier, mais les patientes, qu’il faut savoir écouter sans juger. À l’issue de la semaine, Jean, non seulement, restera en stage, mais poursuivra même bien au-delà…
Les deux comédiennes présentes au plateau vont endosser les rôles de toutes les femmes qui se succèdent dans le service, en premier lieu la jeune interne et l’infirmière d’accueil qui officie depuis longtemps dans le service et a toute la confiance de son patron. Jean va être confronté à toutes sortes de pathologies, à l’intimité que ces femmes de toutes conditions, parfois en détresse, viennent partager pour demander de l’écoute et de l’aide… Avortement voulu ou subi, contraception et pilule du lendemain, viols et violences conjugales, maternités des adolescentes ou tardives, cancers, pris en charge de la douleur, etc.
La mise en scène autour d’une simple table qui pourra être un bureau, lit, table d’examen ou d’accouchement, est sobre et laisse toute la place au jeu. Les témoignages portés par des comédiennes inspirées, sont convaincants et très émouvants les acteurs restent tous au plateau, seul celui qui joue est mis en lumière.
Face à cette galerie de « cas médicaux », Martin Winckler nous amène à nous questionner sur la relation entre le médecin et la patiente, sur la notion de respect, j’ajouterais mutuel, précisément à la prise en charge de l’être humain, au-delà de sa pathologie… La médecine est aujourd’hui en mutation, et la formation des médecins a tendance à s’éloigner de l’humain. L’observation clinique s’amoindrit, l’ordinateur et les prescriptions toutes faites, et la consultation vidéo, inepte à mon sens pour bien des spécialités, ont envahi les cabinets. Beaucoup de jeunes médecins semblent totalement dénués d’empathie. Même si on retrouve hélas ce manque d’empathie dans bien d’autres domaines.
C’est avec regret qu’on quitte l’Unité 77, ses patientes et ses praticiens, heureux d’avoir suivi l’évolution d’une jeune interne imbue d’elle-même au début, qui découvre la vocation grâce à la bienveillance d’un « vieux » chef de service comme il devrait y en avoir plus, et après avoir fait émerger du fond de sa mémoire des événements douloureux du passé qui l’ont conduite là où aujourd’hui elle trouve sa vraie place…
Cathy de Toledo