design : Alexei Podgouzov

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Les Feluettes ou la répétiotn d'un drame romantique

Spectacle de la compagnie Nacéo (Suisse) vu le 18 juillet 2024 à 14h20, à l'atelier 44 dans le cadre du festival Off d'Avignon. 

 

Texte : Michel Marc Bouchard
Mise en scène : Olivier Sanquer
Interprètes : Axel Arnault, Soufiane Bencherqui, Elie Boissière, Rafaël Dejonghe, Arnaud Goussebaïle, Simon Guirriec, Cedric Luisier, Geoffroy Mathieu, Maxime Peyron, Amric Trudel
Genre : Théâtre contemporain
Public : à partir de 13 ans
Durée : 1h40 

 

L'atelier 44 proposait une pièce qui m'a intrigué dans son synopsis. Et c'est pourquoi je m'y suis déplacé. Avant le début du spectacle, l'un des membres de l'équipe vous prévient que l'histoire est une sorte de triple mise en abyme. Le déroulé est un peu complexe à première vue. Pourtant, le résumé dans le journal du off a bien fait son travail synthétique. Ensuite, nous sommes entrés par une porte donnant sur les coulisses. Tout le long, un chemin étroit, sinueux et sombre est construit pour vous mettre dans l'ambiance. Comme si vous rentriez dans l'univers carcéral. Des prisonniers sont alors posés à des points précis de ce passage. Ils vous dévisagent le temps d'arriver dans l'espace théâtral et de vous installer. Certains vous alertent sur des petites marches pour éviter tout accident. D'autres ne disent rien et vous fixent. Une fois assis sur la banquette, la représentation peut commencer. 

 

Le dramaturge québécois est assez connu dans le monde cinématographique depuis qu'un certain Xavier Dolan a adapté l'une de ces pièces sur le grand écran (Tom à la ferme). Son monde est souvent tragique et dramatique. Il est aussi caractérisé par un seul élément perturbateur qui va engendrer des personnages déchirés et traumatisés. À la recherche du repos, ils ne se réfugieront que dans les sombres dessins humains. Vous l'aurez donc compris, ce n'est pas un monde très féérique. 

Dans les feluettes, il s'agit de Simon qui décide de se venger d'un évêque, Bilondeau, rencontré bien avant son entrée dans les fonctions ecclésiastiques. Pour se venger, il concocte avec d'autres détenus un stratagème : séquestrer le religieux et lui jouer devant ses yeux une pièce de théâtre. Sa propre pièce. Sa tragédie. Son drame. Sa vie. À travers cette représentation, il veut rappeler à Bilondeau qu'il a passé 20 ans dans le monde carcéral. Que ce long temps de prison passé ne soit pas sa faute, mais bien celle de ce Bilondeau ; cause d'un drame. C'est alors que tous ses codétenus vont interpréter à la fois des rôles féminins comme masculins. Cette représentation se déroule à une époque où l'attirance pour la différence ne restait qu'un mauvais secret dans la société occidentale. Entre amour et haine, il n'y a qu'un pas. Cette adaptation est minimaliste au plus haut degré. Les lumières sont sobres, les décors aussi. Des chaises et deux palettes en bois arriveront, par la prestation des comédiens, à vous entraîner dans cette histoire à la fois émouvante, érotique et perturbante. Parfois un peu trop dans le pathos et un peu criard, cette pièce vous marquera si vous aimez les tragédies et les histoires d'amour. 

C'est une sorte de pièce antique revue à la mode de nos contemporains, où l'esthétique des héros mythologiques se mêle au drame humain. Cela nous rappelle que la chasse aux différences dans l'intimité de chacun.e n'est pas si éloignée et que les mots peuvent faire bien plus de mal quand l'émotion l'emporte sur la raison.

 

Maxime Farsetti 

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