OH LES BEAUX JOURS
22 juil. 2024Spectacle présenté par la Cie Perla films andCo (75) au théâtre Au Palace le 21 juillet dans le cadre du Festival d’Avignon 2024.
Auteur : Samuel Beckett
Mise en scène : Véronique Boulanger
Comédiens : Véronique Boulanger et Jérôme Keen
Genre : Théâtre contemporain
Durée : 1h20
À partir de 12 ans
Éminent représentant du courant théâtral « Théâtre de l’absurde », apparu au XXe siècle (rupture avec la comédie ou la tragédie), Samuel Beckett nous transporte encore une fois dans son univers avec « Oh les beaux jours »…
Dans un monde absurde, Winnie soliloque à longueur de journée, ensablée jusqu’à la taille malgré un soleil accablant, près d’un mari Willy qui, lui, cherche de l’ombre en rampant dans des tunnels. On peut tout imaginer en fait dans ces mises en scènes et c’est là tout l’univers de Beckett : l’érosion de la mémoire, l’impossibilité de communiquer, le temps qui tue à petit feu : il a pour le moins une vision bien noire de la condition humaine.
Winnie et Willy ont eu une belle vie, d’après le quasi-monologue de Winnie, qui parsème son histoire d’expressions toutes faites comme « Oh le beau jour » ; « ne peux pas me plaindre » « bientôt la fin », « pas mieux, pas pis » ; son fatalisme joyeux m’a interpelée autant qu’il m’a réjouie.
Winnie n’a plus rien à dire à Willy pour le faire réagir, ou simplement se mouvoir, alors elle se rattache chaque jour à une mélopée redondante pour tenter d’exister encore. Cela vaut pour Winnie, Willy se contentant de quelques onomatopées et de borborygmes souvent incohérents.
En dépit de l’érosion de sa mémoire et du temps qui passe Winnie fait un perpétuel retour sur le passé, consulte des objets inutiles enfouis dans un sac tout aussi insignifiant, elle tente tant bien que mal de passer des journées rendues interminables par l’absurdité de la vie en s’occupant l’esprit avec toutefois beaucoup de bonne humeur. On a vraiment l’impression que rien ne peut entamer sa joie de vivre et son mantra « Oh le beau jour… », déclamé à chaque occasion.
C’est une vision très pessimiste de la condition humaine, mais portée à la scène avec beaucoup d’humour dans le dialogue que la comédienne Véronique BOULANGER nous fait partager avec délice. En dépit de son ensablement progressif, Winnie garde encore la tête hors du sable, son imagination fertile lui permettant encore de soliloquer ; c’est sa façon à elle de continuer à vivre…
J’étais rétive à l’univers de Beckett, mais Véronique Boulanger avec sa faconde, sa jolie voix flûtée et ses facéties désespérées m’a transportée dans son monde absurde et bouleversant.
Une très belle prestation de ces deux comédiens. Mention spéciale pour Véronique Boulanger, parfaite.
Evelyne Karam