Roméo et Juliette avec distance
Roméo et Juliette avec distance

Spectacle de la Cie La Baraque Liberté (59) vu au théâtre Buffon, le mercredi 10 juillet à 15 h , dans le cadre du festival d’Avignon off, du 3 au 21 juillet sauf lundi

 

D’après William Shakespeare

Conception et Mise en scène : Caroline Panzera

Interprètes :Charlotte  Andres, Harold Savary

Collaboration artistique Nikola Carton

Genre  théâtre clown

Durée 1 h

Tout public à partir de 10 ans

 

Difficile de faire un choix parmi les nombreuses pièces « classiques»… Cette année, je privilégie Shakespeare, dont je suis fan. Je note plusieurs propositions de mise en scène du célèbre Roméo et Juliette. Intriguée par le titre, mon choix se porte sur « Roméo et Juliette, avec distance », joué par des clowns.  

 

Deux clowns, ou plutôt, deux comédiens qui jouent deux clowns nez rouge…  Claudine van Traopp et Hervé von der Bruck, se présentent sur scène. Les autres membres de la troupe, qui en compte 18, sont en retard.  Mais entre crise sanitaire et guerre en Ukraine, ils n’arrivent pas. Impossible d’annuler, le public est là. Comme ce sont eux qui jouent les rôles titres, Hervé encourage Claudine à assurer la représentation à deux, « quoi qu’il en coûte », improvisant les autres rôles en faisant appel à leurs souvenirs, tout ça sans décors ni costumes, ceux-ci devant arriver avec la troupe.  Bien que totalement paniquée, Claudine accepte. 

C’est pendant le confinement que Caroline Panzera a été amenée à se poser de nombreuses questions eu égard à cette situation inédite. Comment monter une pièce avec une troupe dont les membres ne peuvent se rassembler, une histoire d’amour de surcroît, sans se serrer ni s’embrasser ? Ella a alors imaginé ce Roméo et Juliette « avec distance », porté par deux clowns pour rendre le propos plus accessible à tous, avec la contrainte de « devoir jouer sans se toucher ».

Au centre d’un cercle de lumière sur le plateau nu, Claudine et Hervé nous livrent, en une heure, une version accélérée de la pièce, dont la trame est néanmoins préservée… Le bal, le coup de foudre entre Roméo et Juliette, la mort de Mercutio puis celle de Tybalt, le mariage secret, le bannissement de Roméo, le mariage imposé à Juliette par ses parents, le subterfuge imaginé par le prêtre, qui est supposé sauver la situation, mais aboutit à la mort les deux jeunes amants. 

Les comédiens font preuve d’une formidable énergie qui ne faillit pas un instant, mouillent la chemise, à tous les sens du terme ! Traumatisée par les contraintes sanitaires liées à la pandémie, Claudine ne supporte pas le contact physique. On en arrive ainsi à des situations ubuesques, ainsi lorsque Roméo et Juliette échangent un baiser passionné avec les masques transparents en plastique (dont nous garderons tous le souvenir traumatique) ou lorsque Claudine est en proie à une véritable crise de panique et s’écroule inconsciente devant le pauvre Hervé. 

Claudine et Hervé endossent tous les rôles, hommes ou femmes, de manière interchangeable, pratiquement sans accessoires, avec seulement leur corps, leurs postures, leurs mimiques, les nuances vocales, et en guise de costumes, les vêtements avec lesquels ils sont arrivés qu’ils mettent, enlèvent, retournent.  Les dialogues sont ceux de Shakespeare, ou à peu près, agrémentés des remarques, digressions,  explications personnelles des clowns, souvent comiques, à l’attention du public. Le clown permet quelques outrances…

Cette proposition, qui n’aurait probablement pas existé sans la crise sanitaire et les confinements, nous livre une version certes burlesque, et par le fait plus abordable, de cette tragédie.. Mais aussi tendre et sensible à l’encontre des deux jeunes héros qu’ils incarnent, dont on sent qu’ils leur portent une certaine affection.  Clowns ? peut-être pas tant que ça …

 

Cathy de Toledo

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