Valkyrie
16 juil. 2024Spectacle de la Compagnie Lencre (17), vu le samedi 13 juillet à 12h30 au Théâtre Transversal dans le cadre du Festival d’Avignon.
Texte : Ava Baya, Pierre Pfauwadel
Mise en scène : Pierre Pfauwadel
Avec : Ava Baya (en alternance avec Guillermina Celedon), Sasoux Dasso, Hélène Polonie
Public : Tout Public à partir de 10 ans
Durée : 1h15
À peine entrés dans la salle, les spectateurs sont transportés dans le temps et l’espace.
Tapie dans la pénombre, uniquement visible à l’œil des plus attentifs, une amazone est assise dans les gradins. Immobile, elle regarde droit devant elle, insensible au brouhaha et à l’effervescence qui l’entourent. Les spectateurs la contournent prudemment, impressionnés par toute la force et la puissance qu’elle dégage.
“Valkyrie” raconte l’histoire des guerrières amazones de la mythologie grecque. Fortes et nomades, véritables entités de la mythologie, tortionnaires et barbares selon leurs ennemis, fortes et solidaires selon celles qui rejoignent leurs rangs. Leur reine, une figure imposante et charismatique, les mène au combat. Elle réclame justice et vengeance pour l’enfant qu’elle a mis au monde, Hippolyte, et qui lui a été arraché. C’est contre le père de ce dernier qu’elle envoie ses troupes enragées.
Les premières scènes se déroulent dans le camp des amazones et suivent leur avancée vers Athènes sous forme de tragédie grecque. Puis, tout bascule brusquement. Un changement s’opère. Les spectateurs sont transportés à notre époque : blousons de cuir et vestes en jean. Les amazones deviennent des femmes d’aujourd’hui qui se battent pour trouver leur place dans une société qui les écrase. Elles revêtent leurs costumes de jeunes comédiennes contemporaines et se questionnent sur le message qu’elles essayent de faire passer. À partir de ce moment-là, la pièce alterne entre le récit des amazones et le désarroi des comédiennes.
Le changement est saisissant. On passe d’une poésie hypnotisant, où la langue elle-même résonne différemment, à la dureté du langage et à la réalité des femmes d’aujourd’hui.
Elles aussi sont bien différentes. Les amazones vivent comme une famille, dans une société matriarcale où elles sont puissantes, où elles ont le droit d’être qui elles veulent sans aucune limite. Aujourd’hui, elles se déchirent. Elles s’insultent. Obligées de se battre corps et ongles pour être acceptées. Constamment en compétition les unes contre les autres. Celle qui ouvre son lit au premier venu est-elle moins femme que celle qui lui crache dessus du haut de sa moto rutilante ? À l’image de n’importe quel animal en milieu hostile, elles s’adaptent et font ce qu’elles peuvent pour survivre.
La pièce atteint son point culminant lorsque les amazones se trouvent aux portes d’Athènes. Après avoir appris qu’Hippolyte était mort en suivant les pas de son père et que ce dernier prévoyait d’envoyer ses guerriers les plus féroces contre les amazones, elles comprennent que c’est pour elles la fin du voyage. Cependant, elles ne partiront pas sans un dernier combat. De leur côté, les comédiennes comprennent enfin le sens de leur combat. Le sens du mot « sororité ». Elles réalisent qu’elles peuvent autant aimer le twerk que faire des courses à moto ou encore manger sans se soucier du regard des autres. Que cela ne fait pas moins d’elles des guerrières. Qu’elles aient le droit de rêver à l’amour et à la tendresse, et que cela ne les rend pas faibles pour autant. Qu’elles sont aussi fortes quand elles sont tendres que quand elles sont dures.
“Valkyrie” est une ode à la sororité, à la féminité dans tout ce qu’elle a de plus fort. Le texte est porté par des comédiennes de talent et enrichi par une mise en scène puissante. Il nous rappelle que, malgré les époques et les combats, la force des femmes réside dans leur capacité à s’unir et à se soutenir mutuellement.
Marceline WEGROWE