Cabaret décadent, revue n°777, vice
25 oct. 2024Un spectacle produit par le Cirque Electrique (75020) et vu au Cirque Electrique le 24 octobre 2024.
Mise en scène : Hervé Vallée
Circassiens et musiciens : Corrine, Jb’s Funky People, Julie Démont, La Brosse, La Grande Lili, Anaëlle Molinaro, Petit Bouquet, Antoine Redon, Quentin Signori, Tapman, Zephyr.
Genre : Cirque contemporain et cabaret
Public : Adulte / interdit au moins de 17 ans
Durée : 2h30 avec entracte
Je n’avais pas vu le cabaret décadent depuis 2019. La recette est toujours la même : provocations, ambiance queer et punk, virtuosité. Cette nouvelle édition, sous le signe du « vice », ne déroge pas à la règle et c’est tant mieux.
« Vice », c’est un titre qui annonce la couleur. Il apparaît en grandes lettres électriques sur la plateforme des musiciens qui surplombe le bar et la piste. Plus que jamais, l’atmosphère est très sexualisée, dans le registre SM. Les costumes, quand il y en a, sont et suggestifs et excentriques. Le son est saturé. Il s’agit, avec notre consentement, de « nous mettre la tête à l’envers » comme l’annonce, tête en bas, le maître de cérémonie.
Il chauffe la salle, très jeune, qui du reste n’en a guère besoin. Sonorisé, il titille le public. Il multiplie, au cours des intermèdes, les piques politiques et Retailleau ou Dati d’en prendre pour leurs grades au grand bonheur du chapiteau. Et comme il se doit, il annonce les numéros avec une emphase burlesque ou poétique, c’est selon.
Ils sont six circassiens. Chacun maîtrise deux spécialités. Sans compter les intermèdes et les transitions joliment amenées, cela fait environ douze numéros. Chacun est associé à une couleur et à une musique. La synchronicité de l’ensemble est millimétrée. Ainsi de ce numéro de sangles, en lumière rouge, stupéfiant : le chanteur entonne « Oh, mon amour, tu es tombé », une sangle se détache, le public est saisi d’effroi, mais tout est joué pour permettre le déroulé du numéro à une seule sangle et un seul bras ! Le même interprète ouvre le cabaret dans un numéro d’équilibre sur cannes, pas moins réussi dans sa grâce féline, à la limite de la contorsion. La contorsion, justement. Je ne parviens pas à la regarder tant le corps désarticulé me met mal à l’aise. J’ai suivi autant que possible le numéro de ce soir, la main devant les yeux, et la performance était du plus haut niveau. La même circassienne est « la déesse des anneaux à rendre jaloux le seigneur des anneaux ». Sa prestation, très drôle et en lumière vert fluo, justifie pleinement le jeu de mots de notre majordome. J’ai aussi apprécié le couple SM en danse échevelée sur un pole dance revisité en mât chinois. Lumière rose violacée pour une tenue et des poses très coquines. Pour finir, le numéro de trapèze fixe reprend en aérien la danse acrobatique de couple mais il est autrement plus sensuel et impressionnant qu’au sol. Bref, vous l’aurez compris, dans ce décorum très spécial, les disciplines circassiennes en tant que telles sont de très hautes tenues techniques.
Dans ce monde réactionnaire et agonisant, cette irrévérence et cette liberté sont un baume au cœur. Le public ne s’y est pas trompé, lui qui a ovationné à tout rompre.
Catherine Wolff