Portait de l'artiste après sa mort
20 nov. 2024Un spectacle produit par le Quai, CDN d’Angers (49) et vu au théâtre de la Bastille le 19 novembre 2024.
Texte et Mise en scène : Davide Carnevali
Traduction : Caroline Michel
Comédien : Marcial Di Fonzo Bo
Scénographie : Charlotte Pistorius
Musique originale : Gianluca Misiti
Genre : Théâtre
Public : Adulte
Durée : 1h30
Depuis le changement de direction, je n’étais pas revenue au Théâtre de la Bastille. « Portrait de l’artiste après sa mort » était l’occasion de renouer avec ce lieu. Quelles belles retrouvailles !
C’est l’histoire d’un appartement mystérieux, dont un homme hérite en Argentine, propriété d’un parent présumé. C’est l’histoire de plusieurs fantômes qui dialoguent à travers les époques et les continents, celui d’un compositeur juif disparu à Paris dans les années 40 et celui d’un musicien, dissident politique sous la dictature argentine. Au milieu, tel un porteur de mémoire de par sa double nationalité, Marcial Di Fonzo Bo fait le lien pour mieux rendre hommage à tous les « desaparecido » broyés par l’Histoire en général et le fascisme en particulier.
Le texte et la mise en scène pratiquent avec brio le polar et la mise en abyme. Il est difficile de démêler la part de fiction, d’autobiographie et de réalité. Cette confusion salutaire oblige le spectateur à s’emparer du récit, à s’interroger sur le discours, à chercher, de conserve avec le comédien, la résolution de l’énigme. Il est d’ailleurs invité, le public, à prendre possession du plateau comme d’un lieu de mémoire tandis que le comédien continue à jouer dans les gradins.
La scénographie opère comme une démultiplication de l’espace, du temps et de l’intrigue. En fond de scène, l’appartement argentin est reconstitué dans sa simplicité quelque peu décatie. A cour, un bureau suggère le commissariat. En avant scène, des caisses de déménagement sont autant de réserves d’accessoires et de praticables. Une caméra en vidéoprojecteur permet des changements d’échelles et de points de vue. C’est ainsi que l’on découvre l’appartement en gros plans ou sous forme de photos puis de maquette. Le comédien s’approprie l’ensemble cet artifice pour mieux faire entendre la force de son récit.
Marcial Di Fonzo Bo habite à tel point son personnage qu’il nous laisse penser que son ami et metteur en scène Davide Carneveli s’est mis à son service pour l’aider à monter sa propre histoire alors que c’est l’inverse. La voix, naturelle, est douce et délicieusement accentuée. Le jeu est tout en délicatesse et en pudeur. Parfois le silence ou la musique du disparu argentin, Gianluca Misiti (piano live), prennent la place de l’indicible tandis que trois régisseurs plateaux et un pianiste s’affairent tels les fantômes de cet appartement hanté de ses disparus.
« Portrait de l’artiste après sa mort » est un spectacle d’une grande intelligence textuelle, dramaturgique et scénographique ; Il est admirablement porté par un comédien au sommet de son art.
Catherine Wolff