No more tragédies, my love
07 déc. 2024Spectacle de la Compagnie La Mission (94), vu le vendredi 06 décembre à 21 h au Théâtre de la Reine Blanche à Paris.
Texte : Alexandre Cordier
Avec : Camille Legrand, Audrey Evalaum, Alexandre Cordier
Aide à la création : Jean-Pierre Hané
Scénographie : Mellie Chartres
Régie lumière et son : Mathilde Flament-Mouflard
Costumes : Mahaut Locher
Co-production : Théâtre de Saint-Mandé — CRESCO
Genre : Théâtre
Public : Tout public
Durée : 1 h 15
« Ce n’est pas nous que tu hais, c’est toi. »
Camille est une pop-star célèbre qui baigne dans la luxure. Elle remplit des stades, signe des contrats de tous côtés, tous ses followers l’adorent et elle est l’invitée de toutes les émissions en vogue. Elle a « réussi ». Mais, a-t-elle vraiment réussi ? Que signifie la réussite dans cette société où tout est désaxé ?
Au-delà des apparences, Camille est malheureuse. Elle retourne sur les traces de sa jeunesse, regagne le chemin de sa maison d’enfance dont elle a fugué quand elle avait seize ans. Elle se retrouve nez à nez avec sa mère. Amère, elle lui crache son venin au visage, la rend responsable de tous ses maux et de toutes ses douleurs. Mais bientôt cette colère se change en culpabilité. À qui appartient la souffrance ?
Le spectacle est divisé en plusieurs parties, la première nous montre Camille évoluer dans cette société d’idoles et de la réussite. Sous son nom de scène, Mila, elle participe au live de la youtubeuse/tireuse de cartes, Madame Zerma, qui lui prédit une remise en question accompagnée de solitude. Dans un coin au bord de la scène, les deux influenceuses sont assises autour d’une table de divination et entourées d’un cercle oppressant de ring lights.
Dans la deuxième partie, on assiste en tant que spectateur au face-à-face mère-fille, deux monologues qui s’entrechoquent sans se répondre. L’une parle pendant que l’autre ne dit rien et souffre en silence. Pour cette deuxième partie, la scène est presque nue. Nous sommes face à ces deux personnages qui laissent toutes leurs émotions, leurs peines, leurs doutes, recouvrir le plateau. La mise en scène épurée permet de mettre en lumière le texte qui n’en devient que plus puissant. Les seuls accessoires sont les corps des comédiennes — toutes deux également danseuses professionnelles — qui parviennent à sublimer l’écriture grâce à leurs mouvements quasiment imperceptibles par moments. Le jeu est le plus fort dans leurs silences et la distance qu’elles gardent toujours entre elles, séparées par un mur invisible.
Porté par le talent des comédiennes, le texte résonne d’autant plus d’authenticité et de vérité. Camille emporte le spectateur dans son monologue, on a envie de la soutenir, de l’aider, mais on se rend rapidement compte qu’elle est perdue, qu’elle endure, qu’elle ne sait pas qui elle est ni ce qu’elle veut être. Elle s’est laissé embarquer dans cette société obnubilée par la réussite, la reconnaissance sur les réseaux sociaux. Elle voulait être idéalisée, portée aux nues, ne supportait plus la vie « banale » de sa famille.
Avec ce texte, Alexandre Cordier offre au public un moyen de partager les sentiments de ces personnages, si complexes soient-ils. C’est dans la simplicité et la force du texte que passent les émotions des personnages, partagées par les spectateurs. La mère et Camille sont touchantes dans leur vulnérabilité et leurs peines. Camille représente avec brio les maux de toute une génération en quête d’identité, tiraillée entre le désir d’être connue, de ne pas être oubliée, sans vraiment savoir où est sa place.
Marceline WEGROWE