Catarina et la beauté de tuer les fascistes
28 janv. 2025Spectacle de Tiago Rodrigues produit par le "Teatro Nacional D. Maria II (Lisbonne)" vu le 19 janvier 2024 à la Fabrica (84) à 15h dans le cadre du fest'Hiver 2025.
Texte et mise en scène : Tiago Rodrigues
Comédiens: Isabel Abreu, Romeu Costa, António Fonseca, Beatriz Maia, Marco Mendonça, António Parra, Carolina Passos Sousa, João Vicente
Scénographie : F. Ribeiro
Lumières : Nuno Meira
Costumes : José António Tenente
Création et design sonore, musique originale : Pedro Costa
Traduction : Thomas Resendes
Public : Tout public à partir de 16 ans
Genre : Théâtre contemporain
Durée : 2h30
Le décor est composé d'une maison en bois où chaque panneau se déplace pour recréer des espaces. Une grande table recouverte d'une nappe est dressée.
Catarina, la jeune héroïne, doit perpétuer un héritage familial qui dure depuis plus de soixante-dix ans, celui de tuer des fascistes. Pour son initiation, elle doit donc exécuter un homme, fraîchement kidnappé et désigné comme fasciste. Mais elle doute. Catarina incarne ce dilemme éthique profond : jusqu’où peut-on aller pour défendre ses idées ? La violence peut-elle vraiment devenir un outil politique légitime ?
Au fil des scènes, les pressions exercées sur Catarina par sa famille créent un climat oppressant. Ses doutes, ses interrogations et ses silences résonnent avec force dans la salle. Cette tension est portée par huit comédiens portugais d’une justesse remarquable, dont le jeu subtil et habité transcende les mots. Malheureusement, pour les spectateurs francophones, le sous-titrage, parfois difficile à suivre depuis le fond de la salle, complique un peu l’expérience. La durée de 2 h 30 exige une attention soutenue, d’autant que la mise en scène demande de jongler entre le texte projeté et l’action qui se déroule sur scène.
Le point culminant de la pièce survient lors du discours final, une tirade enivrante, provocante, qui dure et s’étire volontairement. Les réactions du public sont à la hauteur des tensions évoquées : sifflements, hurlements, chants, coups frappés au sol. Certains se taisent, figés, respectant l’acteur ou rappelant à eux-mêmes que ceci est du théâtre, une représentation. Ce moment clivant questionne la limite entre l’art et la réalité, et met en évidence les paradoxes qui nourrissent la pièce.
Car « Catarina et la beauté de tuer les fascistes » est avant tout une réflexion sur la montée du fascisme. Dans la pièce, il finit par prendre toute la place, en fait celle qui lui est laissée. La pièce nous interroge sur nos droits, peu à peu grignotés, et sur les stratégies pour résister à l’oppression. Elle pose une question vertigineuse : à quel point la violence, aussi condamnable soit-elle, peut-elle devenir un outil pour préserver nos libertés ?
Avec une mise en scène travaillée et un texte qui vibre de dilemmes et de paradoxes, ce spectacle captivant est à la fois un coup de poing et une élévation intellectuelle. Il invite à réfléchir, à douter, à décortiquer nos certitudes. « Catarina et la beauté de tuer les fascistes » est un spectacle à ne pas manquer, pour ceux qui osent se confronter aux zones grises de notre humanité et à la fragilité de la démocratie.
JDM