Numéro Deux
01 févr. 2025Spectacle de Léonard Prain et Sophie Accard, vu le vendredi 31 janvier à 19 h au Théâtre Tristan Bernard à Paris.
Texte : David Foekinos
Adaptation : Léonard Prain
Avec : Axel Auriant, Pierre Benezit, Valentine Revel Mouroz, Serge Da Silva
Mise en scène : Sophie Accard
Scénographie : Blandine Vieillot
Musique : CASCADEUR
Lumières : Simon Cornevin
Costumes : ATOSSA
Public : Tout Public à partir de 7 ans
Durée : 1h30
« On est tous le numéro un de quelqu'un »
Martin Hill est un jeune garçon de dix ans qui se retrouve, par un merveilleux coup du sort, en lice pour incarner au cinéma l’un des rôles les plus marquants de sa génération : Harry Potter. Sa vie bascule alors et il entrevoit presque l’avenir brillant qui se dessine devant lui. Seulement voilà, Martin n’est pas choisi. Il doit dès lors faire face à son échec.
Cependant, Harry Potter est partout, à la télévision, à la radio, dans la cour de récréation et dans la bouche de tous les enfants. Martin ne peut pas y échapper. Profondément blessé par cet échec, il tentera de l’ignorer, de l’affronter, ne sachant pas comment se défaire de cette douleur qui ne le quittera pas. Toute sa vie, il essayera de naviguer à travers ses sentiments complexes qui l’ont accompagné depuis sa jeunesse.
Le texte de David Foenkinos, adapté pour la scène par Léonard Prain est poignant dans sa simplicité et sa sincérité. Le public est emporté autant par le rire que par les larmes, pendu aux lèvres des comédiens qui le restituent avec brio. Pendant toute la durée de la représentation, le spectateur est amené à se questionner sur ses propres échecs. Comment se reconstruire ? Comment les accepter et passer outre le sentiment d’injustice ?
Numéro Deux est un régal pour les nostalgiques de la saga d’Harry Potter. Le décor donne l’impression de s’être faufilé dans les coulisses du tournage. Les murs sont recouverts de lourds rideaux rouges, de balais, de fauteuils qui attendent d’être réparés. De nombreuses références et clins d’œil sont cachés dans la mise en scène, que ce soit dans les couleurs présentes sur scène, où les costumes, le spectateur est sans cesse au monde magique de la saga. Pour notre plus grand plaisir, rien n’est laissé au hasard. Le ton lui-même, employé dans la pièce, entre humour et sérieux, entre réel et fantastique, n’est pas sans rappeler celui, si reconnaissable, de l’univers de Harry Potter.
L’ambiance chaleureuse créée par la mise en scène permet au spectateur de se laisser complètement absorber par l’histoire qui se déroule sous ses yeux émerveillés. C’est un plateau foisonnant, débordant d’objets, et pourtant intime, où deux gros fauteuils forment aussi bien l’intérieur d’une maison, que le canapé d’un psychiatre, et où une table représente tantôt les bureaux du grand producteur David Heyman, tantôt les États-Unis pour finir par être le bureau de Martin lui-même.
Ce dernier, brillamment interprété par Axel Auriant, qu’on avait découvert dans Les 1001 Vies des Urgences de Baptiste Beaulieu, nous partage ses doutes et ses douleurs, ses joies et ses peines, et on ne peut s’empêcher d’être profondément touché par son échec. On le sent enfermé dans son malheur, incapable de surmonter cette épreuve. Pour lui, c’est la fin de sa vie. Mais est-ce vraiment le cas ?
Pour Martin, le monde est devenu binaire et ceux qui l’entourent sont soit des ennemis soit des alliés comme ses parents par exemple, qui ne cessent de lui expliquer que cet échec n’est pas la fin, mais seulement le début de quelque chose d’autre, qu’il est tombé pour pouvoir se relever plus fort. Les autres, les ennemis, sont tous ceux qu’il rencontre et qui lui rappellent encore à son malheur.
Sa solitude grandit en même temps que lui jusqu’à ce que, finalement, une main se tende depuis les ténèbres, devenant la lumière qui pourra le guider.
En sortant de Numéro Deux, on est émerveillé et un peu plus éveillé. On pense à nos échecs et à nos joies, on se demande ce qu’est le bonheur, et s’il dépend vraiment de nos réussites. On se sent un peu plus fort de savoir qu’on passe tous par les mêmes sentiments, on a l’impression de ne plus être seul. Un peu comme lorsqu’on sort du cinéma après avoir vu un Harry Potter. C’est magique.
Marceline WEGROWE