Antoine et Cléopâtre
04 mars 2025Un spectacle produit par la Compagnie Mundo Perfeito (Portugal) et Otto Productions (31), vu au Théâtre de la Bastille le 3 mars 2025.
Texte et mise en scène : Tiago Rodrigues avec des citations d’ « Antoine et Cléopâtre » de Shakespeare
Comédiens.nes : Sofia Diaz et Vitor Roriz
Scénographie : Ângela Rocha
Lumière : Nuno Meira
Genre : Théâtre
Public : Adulte
Durée : 1H20
Ce printemps voit la reprise des premiers opus qui ont fait le succès de Tiago Rodrigues en France. Ce soir, « Antoine et Cléopâtre » me donnent donc l’occasion de combler mes lacunes quant à son œuvre.
« L’Antoine et Cléopâtre » de Tiago Rodrigues est moins une adaptation très libre de Shakespeare qu’une réflexion sur la manière de transmettre une histoire qui a tellement valeur d’anthologie qu’elle risque l’érosion. La solution est radicale !
À la pléthore de personnages shakespeariens, se substitue un couple. Il évolue dans un décor sobre, uniquement constitué d’une allemande, d’une table basse avec chaîne hifi et d’un mobile à la Tinguely. La lumière sur l’allemande et la musique du « Cléopâtre » de Mankiewicz rythment le passage des actes. Dans la délicatesse de cet espace-temps, Sofia Diaz et Vitor Roriz, en voix naturelle, nous racontent cet amour fou qui a changé la face du monde antique. Pour le restituer dans toute sa force, cet amour fou, et le débarrasser de la poussière du temps, les deux comédiens s’en emparent comme s’il brûlait encore. Ils ne peuvent l’appréhender que par distanciation. Nos deux interprètes parlent donc à leur personnage sans vraiment les jouer. Ils convoquent toutes les conventions théâtrales pour faire voir les sentiments. L’entrelacs des mains et des mots - un peu à la façon de la comptine « marabout et bout de ficelle »- la fluidité de l’incarnation des corps et des genres (les comédiens portent d’abord la parole du personnage du sexe opposé) dessinent bientôt une trame amoureuse inextricable que viendront rompre la trahison et la mort. Ce jeu atteint son paroxysme quand les deux personnages partagent enfin le présent pour se donner la tirade dans une rythmique orgasmique. La prouesse du jeu est d’autant plus admirable que le français n’est pas la langue natale de Sofia Diaz et de Vitor Roriz.
A titre personnel, le spectacle est trop distancé pour moi. Il n’empêche que la réflexion sur la narration et la mise en scène ad hoc constituent un pari audacieux, déconcertant et réussi.
Catherine Wolff