CATARINA ET LA BEAUTÉ DE TUER LES FASCISTES
12 mars 2025Spectacle de Tiago Rodrigues produit par le "Teatro Nacional D. Maria II (Lisbonne)" vu le 18 janvier 2025 à La FabricA (84) à 19h30
Auteur : Tiago Rodrigues
Comédiens : Isabel Abreu, Romeu Costa, António Fonseca, Beatriz Maia, Marco Mendonça, António Parra, Carolina Passos Sousa, João Vicente
Mise en scène : Tiago Rodrigues
Genre : Théâtre
Public : A partir de 16 ans
Durée : 02h30
Langue : Portugais, surtitré en français
[Avertissement : Utilisation d'armes à feu factices durant la représentation. ]
Connu pour son engagement et son humanisme, Tiago Rodrigues livre ici une vision non-manichéenne du combat pour les valeurs démocratiques et contre les extrêmes. Une création qui nous interroge sur nos luttes et les limites à s’imposer pour ne pas basculer. Une véritable performance.
Un jour par an, chaque membre de la famille portera le nom de Catarina et s’installera dans la maison entourée de chênes-liège pour un repas et l’exécution rituelle d’un fasciste. Les personnages se déclinent, bruyamment ou en musique. Peu à peu l’ombre d’un fascisme perpétuel et inéluctable et d’une liberté qui ne tient qu’à un fil commencent à se dessiner.
Le texte de Rodrigues se révèle diablement efficace : au travers des échanges de cette famille à la lutte contre le fascisme chevillée au corps (et à l’âme), on se retrouve catapulté dans cet univers où la violence se transforme en héritage génétique, où l’idéologie familiale se mêle à un discours politique acerbe mais terriblement actuel.
Dans cette maison ajourée, on sent que les choses sont prêtes à vaciller quand Catarina, tiraillée entre son libre-arbitre et l’injonction générationnelle, remet en question ce rituel de mise à mort quasi-sacré. La comédienne Isabel Abreu y apparaît criante d’une vérité qui ne demande qu’à sortir : Tuer des fascistes ne fait-il pas de nous des fascistes ?
Malgré tout, certains personnages ne manqueront pas de faire rire et de nous émouvoir, nous offrant quelques minutes de répit dans ce spectacle intense et dérangeant.
Si la mise en scène semble minimaliste, certains choix ne manquent pas d’appuyer la sensation d’enfermement et d’oppression qui s’installe au fur et à mesure que les certitudes se craquellent.
Rodrigues pose évidemment la question de la fin et des moyens : Doit-on répondre à la violence par la violence ?
Et bien sûr, coutumier du fait, il ne donne pas de réponse toute faite mais pose la question sur un coin de table à l’ombre des chênes-liège au milieu d’une table d’un blanc immaculé qui ne tardera pas à se tâcher.
Un théâtre engagé et salvateur qui, tristement, entre en résonance avec la montée des extrêmes, notamment celle de Chega, aujourd’hui solidement ancré dans le paysage politique portugais.
Jasmine BOURKIZA
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[Chronique réalisée dans le cadre d'un partenariat avec Avignon Université, par les étudiants du Master Culture & Communication]
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