Inscape Game
Inscape Game

Spectacle d'Eric Boucher, vu au Théâtre du Funambule à Paris le vendredi 21 mars à 21h.

 

Texte : Eric Boucher

Mise en scène : Mathieu Hoarao assisté de Nathalie Bernas

Comédiens : Yannick Blivet, Michael Msihid, Mathieu Hoarau, Eric Boucher

Photos : Matthias Kellerman

Genre : Enquête théâtrale

Public : Tout Public à partir de 10 ans

Durée : 1 h 20

 

Vous avez 60 minutes pour découvrir la vérité.

 

Quatre amis de longue date se retrouvent dans un bar immersif. Pour chacun d’entre eux, de profonds sentiments cachés les animent. Jérôme, grand adepte de la technologie et des intelligences artificielles, rêve que ses amis soient impressionnés par ses capacités ; Paul, coach de vie, a tendance à prendre le contrôle du groupe ; Émile, professeur d’anglais, ne comprend pas pourquoi il se sent si mal ; quant à Sasha, coureur de jupons, il a la manie de rabaisser ses amis pour se sentir plus fort. Ces quatre-là sont amis depuis le CE1. Ce soir-là, comme à leur habitude, ils rient, ils se chambrent, mais, au milieu d’une conversation particulièrement houleuse, tout bascule, cette fois pour de vrai. Une trappe s’ouvre sous leurs pieds et Paul, Émile et Sacha se retrouvent coincés dans une pièce fermée de l’extérieur. Un compte à rebours est alors lancé. Ils ont soixante minutes pour sortir du piège, sinon...

« Inscape Game » est une ode à l’amitié, dans tout ce qu’elle a de plus beau et de plus laid. Les personnages vont être mis en difficulté, vont devoir faire face à tout ce qu’ils ont de plus sombre, et remettre en question les relations qu’ils entretiennent entre eux et avec eux-mêmes. Ils n’ont pas d’autre choix pour sortir que de faire face à la vérité, de se livrer et de se confronter à tout ce qu’ils ont toujours préféré glisser sous le tapis. Aucune tricherie n’est possible car une entité les surveille qui sait tout d’eux ! C’est Jean-Bertrand, l’intelligence artificielle créée par Jérôme. Jean-Bertrand est omniprésent sans être réellement sur scène, il prend pourtant une place conséquente. On le voit prendre des décisions, se jouer des instructions qui lui ont été données. Parfois adversaire et parfois allié, Jean-Bernard devient un personnage à part entière.

La métaphore de ce jeu très populaire aujourd’hui qu’est l’Escape Game, fonctionne ici très bien. Le travail de l’auteur, Éric Boucher, et du metteur en scène, Mathieu Hoarau, est en ce sens remarquable.Les personnages cherchent constamment à fuir au lieu de vouloir comprendre le jeu et ainsi trouver la sortie. Dans ce jeu-là, on ne cherche pas à sortir, mais à entrer. C’est pourquoi le nom est inversé et devient « Inscape Game ». On cherche la sortie à l’intérieur de soi. On comprend rapidement que les personnages sont autant prisonniers de cette pièce que d'eux-mêmes. On a presque envie de monter sur scène nous-mêmes pour aider les personnages à trouver les réponses.

On assiste ici à un tour de force : celui de faire exister un Escape Game plus vrai que nature sur une scène de théâtre, et c’est très réussi. L’atmosphère pesante est renforcée par une bande-son angoissante qui enveloppe le public pendant tout le spectacle. Les ajouts multimédias aident le spectateur à se plonger entièrement dans l’histoire grâce aux créations vidéo de grande qualité, tantôt amusantes, tantôt dérangeantes.

Devant « Inscape Game », on ne sait jamais sur quel pied danser. Les situations improbables dans lesquelles se retrouvent les personnages deviennent des introspections touchantes qui parlent à tout le public. Sans vraiment s’en rendre compte, on est amené nous-mêmes à nous questionner. Nos propres relations amicales sont-elles semblables ? Comment gérer la limite fine entre admiration et jalousie ?

L’ambiance de la pièce reste toujours légèrement angoissante, on ne sait jamais ce qui pourrait arriver. Assis au bord de son siège, on attend que le prochain piège se referme sur les trois amis.

Aussi irritants que Jérémy, Paul, Émile et Sacha puissent être, on est rapidement emportés par leurs histoires et par leurs peurs. On se prend rapidement d’affection, pour ces quatre garçons qui ne savent pas comment communiquer et ce grâce aux talentueux comédiens qui les incarnent. On espère alors qu’ils parviendront à se défaire du masque qu’ils revêtent tous les jours et qu’ils parviendront à s’ouvrir au monde et à leurs amis.

En sortant, on se demande si nous aussi, on en est capable.

 

Marceline WEGROWE

 

 

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