Europeana, une brève histoire du XX siècle
24 sept. 2008Texte de Patrick Ourednik
Conception de Joël Fesel et Solange Ooswald
Un singulier chapiteau, à la silhouette d’une tente orientale, se dresse dans l’obscurité, près du Château Saint Etienne, sur les hauteurs d’Aurillac. Avant l’entrée des spectateurs, des bribes de paroles, s’écoulent lentement des petites enceintes cernant cette étrange tente, représentant la ou les mémoires du XX siècle et constituant autant de mises en bouche appétissantes du spectacle. Car c’est bien de cela dont il s’agit: le XX siècle a disparu suite à un bug informatique et le lendemain du 31 décembre 1999 est le 1er janvier 1900 !
C’est sur cette idée originale du poète Tchéque Patrick Ourednik, que la compagnie Groupe Merci nous propose son nouveau spectacle, pour mettre en exergue toute l’absurdité et la cruauté du siècle passé. La poignée de spectateurs présente, puisque la jauge est limitée à une centaine, s’installent en haut du chapiteau, plongeant ainsi dans un puit, à l’image d’un ancien objet forain appelé Mur de la Mort. Une scénographie originale, censée « mettre en vertige le spectateur ». Dans ce puit, quatre personnages en costume noir, dressés sur des tablettes à trois mètres du sol, égrènent d’une façon très théâtrale, froide et volontairement désordonnées, leurs non souvenirs du XX siècle : les guerres, les camps, l’invention du soutien gorge, l’eugénisme, la poupée Barbie… Trois autres personnages, interviennent, singularisant parfois des portraits connus (le Ché, Staline,Dali,…) apportant leur idiotie revendiquée aux autres.
Malgré ce gros dispositif scénique, quelques belles idées comme les projections d’images sur le sable, l’émotion n’est jamais présente et l’on reste dans une froideur glaciale qui nous laisse froid. Sauf à la fin, dans le télescopage accéléré des tous ces évènements constitutifs du XX siècle, qui fait frémir et laisse sentir enfin un peu de cette folie ambiante.. Bien sur, que cette froideur est un choix de mise en scène, de distanciation…
Mais, on se dit : « Tout ça pour ça ? ».
Et aussi : « Est-ce cela le théâtre de Rue en 2008 ? »
On a vraiment l’impression que la rue, dans ce cas là, veut investir l’univers « noble » du théâtre, et si le sujet est séduisant, son traitement se perd dans une forme certes originale, mais qui finalement est bien loin de l’étourdissement annoncé.
Photo : Vincent Muteau