Chansons en acoustique samedi 2 juin 2007 au domicile de particuliers à la Tronche (38) avec :
- Jean-Baptiste Veujoz : textes, chant, guitare
- Clélia Bressat Blum : piano, chant
- Hélène Grange : chant

Trois artistes issus du collectif lyonnais Les Zondits

Photos : Isabelle Granjon

Nous connaissions déjà Hélène Grange pour son engagement auprès de Musiques à l’Usine (http://www.musikalusine.fr/). Nous l’avions rencontrée au moment du Festival des Oiseaux Rares de 2002. Dans la même lignée et mue par les mêmes préoccupations qu’Alain Goudard de Résonance Contemporaine www.resonnancecontemporaine.org), Hélène propose une approche vocale et de l’humain originale où le respect de l’autre est fondateur. Nous avions eu le bonheur de bénéficier de son travail pédagogique lorsqu’elle faisait partie du Groupe Lapsus. Nous la savions partie prenante de collectifs à géométries variables, curieuse de nouveaux talents, sensible et attachée à la langue française dans son expression et sa force. Ce soir, nous avons pu la découvrir "sur scène", dans un petit lieu hors du circuit des salles de spectacle, petit lieu qui n’était autre qu’un domicile, quelque part sur les hauteurs de la Tronche (38). Devant une trentaine de personnes, Hélène et ses complices Jean-Baptiste Veujoz et Clélia Bressat-Blum nous ont offert un très beau voyage en mots et émotions.

D’abord, une première partie initiée par Jean-baptiste Veujoz autour de compositions personnelles. Les mots s’y entrechoquent, se télescopent, partent en ricochets et ouvrent nos mirettes. Cet homme-là, rencontré lui aussi en 2002 à St Julien Molin Molette (42), a continué parcours. Il a quelques comptes à régler avec Dieu, les curés qui feraient bien d’"accepter le blasphème" et l’Homme, il s’insupporte des rythmes effrénés de la ville vampire, se révolte aux chants du canon, girouette à "la grande illusion d’un monde versatile" mais aussi se souvient de père et mère rimant avec "couleurs primaires"... Le mot, il "quête son chemin en nous, inlassablement", en lui, sûrement. Le mot, Jean-Baptiste le passe, le repasse, le retourne en tout sens, en tout jeu. "Le mot râle" ou bien "se désaltère". Pour clore pour un temps ce moment de saveurs, où la langue prend corps et se goûte en nos bouches, le compositeur ne dit-il pas "l’ailleurs prend le stylo et me tourne les pages" ? On voit là l’attachement du jeune homme à des auteurs comme Brassens, Rémo Gary ou d’autres encore.

C’est sûrement dans le domaine de l’écriture qu’il excèle le plus. Au plan de l’interprétation, Jean-Baptiste reste encore quelque peu en retrait et en timidité. Si le langage est là, dans ses éclats, s’il est implanté, comme une ancre en la mer, cet auteur-compositeur a encore à explorer ses chemins de scène pour trouver sa voie, asseoir davantage sa présence, gagner en aisance et assurance.


Pour faire le lien, pour faire le fil entre les deux artistes du soir, Clélia Bressat-Blum au piano. Quelqu’un tout en discrétion. L’accompagnement qu’elle propose n’assène ni n’assomme. Pas de pages à tourner : les partitions défilent dans sa tête. Quand elle joint sa voix à celle d’Hélène Grange, c’est un duo de filles bien trempé qui est là, devant nous. On sent la connivence, le travail en commun, l’écoute de chacune, et chacune à sa place. Ce soir, elle a fait appel à ses talents de pianiste-accompagnatrice, arrangeuse et compositrice ; n’oublions pas ses autres atouts comme chef de choeur et formatrice. Encore une musicienne rencontrée cette même année sur les sentes du Pilat, non loin de St Etienne (42).


Hélène Grange attaque sec la deuxième partie de la soirée, comme on dit. D’emblée, elle se campe devant nous et happe notre regard. Elle a choisi l’immédiateté et le percutant des mots frottés de Rémo Gary. Nous allons de fait "escalader l’horizon" pour nous faire attraper, gobés, par notes et rythmes en suspension. Des petits tours du côté de Trénet, Prévert et Cosma, avec ces univers de poésies profondes qui nous chatouillent l’âme, ou encore Barbara, Marie Zambon, Véronique Pestel ou Michèle Bernard et leurs mondes de femmes. Et l’amour file son cours, et les "mains qui se tiennent sans se mordre les doigts" créent du sucré-salé.
L’interprête saupoudre les plats de tous ces invités qui se sont déplacés. Et peut-être que comme elle, en cette fin de soirée, chacun a pu murmurer de plus belle : "je sucerai mon pouce planqué(e) sous les draps". Draps de vie, draps de plis, de ces plis qui nous marquent au moment au réveil mais qui ne sont pas prêts, ici, de s’effacer. Hélène Grange est un femme, une femme de tête, une femme de coeur, une femme d’amour qui distille sans effort un suc de bonheur qui embaume l’intérieur de nos êtres échevelés par ces mots respirés. On serait bien restés, encore, à l’écouter !

La formule "Comme chez soi" permet, s’il étati encore besoin de le dire, de tisser des liens vrais avec des artistes et d’inscrire le spectacle dans la vie.

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