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Présent sur le Off 2015

Spectacle de la Compagnie "Bonus and Clyde" (Chargé de prod A2 Production), vu le 18/11/ 2014 à la Comédie de Paris.

De : Isabeau de R.

Par : Isabeau de R.

Mise en scène : Hélène Serres

 

VIVANT2-toiles-3Genre : One woman show

Public : Adulte

Durée : 1h30

 

Moi qui ne suis guère amatrice de one man show, le spectacle A suivre ! d’Isabeau de R. a su me séduire par sa recherche indéfectible de sens et la justesse de son jeu.

 

Isabeau de R. ouvre son spectacle en nouveau Diafoirus qui débite en latin les règles d’usage au théâtre à savoir l’extinction totale des iphone, ipod, ipad et autre res technicum. Cette énumération oblige à quelques entorses langagières et pose la problématique du spectacle. Si en 2014, on n’en n’est plus à parler la langue de Cicéron, sait-on toujours pour autant parler et écrire la langue de Molière ? Car aux yeux d’Isabeau de R., la langue est la première victime symptomatique des dérives de la modernité.

Isabeau de R. défend sa thèse en alternant deux types de sketches. Les premiers brossent en trois tableaux chronologiques l’évolution de nos rapports à l’éducation de nos enfants, à l’école, à la fumette, au médecin. La même scène est rejouée à trois époques différentes, depuis cette ère antédiluvienne -1975- où « les femmes avaient encore du poil au cul » jusqu’à un hypothétique 2020 où, ma bonne dame, tout fout l’camp ! A commencer par le langage et la littérature qui se délitent sous nos yeux dans un pastiche d’émission littéraire, joué en trois temps distincts et qui rythme la soirée.

Le deuxième type de sketches s’attaque directement aux symboles de la modernité : l’émission télé voyeuriste et décervelante, le portable qui flingue tout tête à tête, l’obsession contemporaine de trouver de nouvelles appellations. Le sketch sur les caissières transformées en hôtesses de caisse offre à Isabeau de R. l’occasion d’une belle envolée lyrique pleine d’inventions verbales.

 

On peut ne pas être entièrement d’accord avec le propos quelque peu décliniste et parfois convenu. Mais on ne peut que rire à certaines situations qui en agacent plus d’un à commencer par ces toubibs qui, retranchés derrière leur ordi, vous expédient en 10 minutes sans même vous ausculter, sous prétexte de remplir votre dossier médical.

Surtout, le rire ne fonctionne que si l’on sait rire aussi de soi. Isabeau de R. revendique absolument son côté réac. Dans ce registre, je préfère largement au slam de la réac la dernière scène du spectacle : « avant, les vieux cons, c’étaient les autres, mais ça, c’était avant », dit-elle en rajustant ses loupes.

Le spectacle d’Isabeau de R. n’est pas un spectacle outrancier mais un spectacle sur l’outrance : à la vulgarité du monde, elle répond avec une certaine poétique (le sketch en rappel sur la rencontre amoureuse du parisien est, à ce titre, un petit bijou) ; à l’agressivité de la société, elle oppose la complicité avec son public ; à la recherche effrénée de la vanne qui caractérise trop souvent les one man show, elle privilégie une forme moins hilarante mais ô combien plus profonde.

 

Catherine Wolff

(crédits photo : www.90c.fr /B. Perroud)

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