Affreux, bêtes et pédants
31 juil. 2014
Compagnie des Dramaticules (94). Vu à 22h30 au GiraSole le 25/07/2014.
Scénario et mise en scène : Jérémie Le Louët (à partir d'un travail collectif)
Avec : Julien Buchy, Anthony Courret, Noémie Guedj, Jérémie Le Louët et David Maison
Genre : Théâtre
Durée : 1h45
Dans la grande salle du GiraSole, le public s’installe face à lui-même. En effet, en fond de scène, un immense écran nous renvoie en différé l’image des gradins et du public qui s’installe… Nous allons être face à nous-mêmes et à notre diversité. En fond musical, il m’a semblé reconnaître un discours d’Hitler… La soirée s’annonce surprenante. Il s’agit d’un spectacle hors du commun, sous-titré « une satire de la vie culturelle française » et qui nous propose de nous interroger sur notre état de spectateurs, sur la culture et sur ceux qui la font. C’est sacrément original, drôle et intelligent.
Un spectacle surprenant et qui impacte, comme je les aime.
Pour lancer la machine, Jérémie Le Louet, auteur, metteur en scène et comédien de talent, vient nous crier un texte extrait du « Manifeste du futurisme », texte provocateur de Filippo Tommaso Marinetti datant de 1909. C’est le cri de vitalité d’une jeunesse non entendue et prônant l’urgence, le mouvement et la guerre contre la mièvrerie et l’immobilisme de l’institution. Après un bref salut, le comédien vient s’assoir face à nous et nous propose dix minutes d’échanges, de réaction autour de ce texte, alors que le spectacle vient à peine de commencer… Après ce séisme révolutionnaire, cet échange, symbole de la démocratie partagée mais manipulée, vient mettre en avant les points de vue de deux spectateurs, l’un fervent admirateur de « ceux qui passent à la télé » et l’autre professeur de Français, défenseur de la Culture avec un grand C.
On se laisse emporter avec délectation dans ce dispositif qui nous surprend et qui ne manque pas de nous interpeller.
L’enchaînement se fait sur la présentation de la saison du théâtre, où l’on découvre des propositions artistiques fort contemporaines : le comédien, nu sur scène et la tête enduit de Nutella, pour un travail en cours devant déboucher sur un spectacle de 8h (avec un entracte heureusement). On est dans une caricature (à peine), mais c’est drôle et ça parle à tout le monde. Puis nous voilà transportés dans le bureau d’un directeur de théâtre, un homme de pouvoir, un chien, qui reçoit avec dédain une compagnie pour financer son spectacle. Là encore, l’exagération ne déforme qu’à peine la réalité. Enfin, et parce que la compagnie ne recule pas devant l’autodérision, nous découvrons le travail d’un metteur en scène tyrannique qui prépare un « Phèdre » avec ses comédiens. Engagement, compromission, aliénation, rapport de force… les compagnies n’échappent pas à la loi du genre…
Les enchaînements sont habiles, la forme originale et le fond nous interroge vraiment. C’est un théâtre accessible, surprenant, qui nous fait rire jaune, noir ou vert, mais qui nous parle à nous-mêmes. C’est à recommander pour les programmateurs qui sont aussi prêts à se moquer d’eux-mêmes et à surprendre leur public.
Merci et bravo pour ce moment héroïque.
Eric jalabert