compagnie-theatrale-francophone_Antigone.jpegSpectacle de la Compagnie Théâtrale Francophone, vu au théâtre Pierre Tabard (Montpellier) le 18 Mai 2013 à 14h, dans le cadre du festival Midi-Minuit.

 

D'après la pièce de Sophocle (442 av.JC)

Traduction : Philippe Brunet 

Mise en scène : Damiane Goudet

Assistante : Mona Cambon

Interprètes : Arthur Clot, Quentin Gratias, Elena Masson, Jacques Rebouillat, Lili Sagit

Costumes : Mira Belle Gille


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Genre : théâtre

Public : Adultes et adolescents

Durée : 1h20 environ

Création : 2012

 

 

C'est une terrible histoire de famille où deux frères, Etéocle et Polynice, se sont entre-tués ; le premier défendant son oncle le roi Créon, l'autre la mémoire de son père Oedipe. Créon décrète que Polynice, le rebelle, restera sans sépulture. Mais, enfreignant l'ordre royal, Antigone tente d'enterrer son frère malgré les conseils de sa soeur Ismène. Ici se scellera le destin tragique des quatre enfants issus de la lignée incestueuse d'Oedipe et Jocaste.

Passionnée et poursuivant un objectif paraissant absurde pour un esprit rationnel (puisqu'elle renonce à la vie pour défendre un mort), Antigone ouvre plusieurs débats sur la vie, le pouvoir et ses abus, la rébellion. J'ai vu dans cette pièce une succession d'affrontements exemplaires entre les discours raisonnables d'Ismène, Hémon et Tyrésias, et les entêtements inébranlables d'Antigone et de Créon, tous deux aveuglés par la passion. Quant au choryphée, il intervient calmement pour préciser les débats. 

 

Les dialogues commencent par un exposé des griefs, puis viennent des phrases brèves et incisives, sonnant comme des échanges de balles où Sophocle nous interpelle à 2500 ans de distance. Ismène se désespère de ne pas réussir à dissuader sa soeur de son projet mortifère : "De choses froides, voilà de quoi ton coeur est chaud". Entre Créon et Antigone, deux sens du devoir s'affrontent (la morale chez l'une, le pouvoir despote chez l'autre) dans une lutte très dure. Antigone sera condamnée à être immédiatement emmurée vivante... Hémon, son fiancé, fils de Créon, échoue à la sauver et critique violemment son père "Il n'est pas d'Etat qui soit la chose d'un homme seul". Quant au devin Tyrésias, intermédiaire aveugle entre les dieux et les hommes, il utilisera toute sa sagesse pour faire fléchir le roi, mais trop tard. Les dieux sont contrariés et le chaos annoncé est en route, semant la mort autour de Créon, impuissant et désespéré. On ne peut s'empêcher de faire le lien avec certaines de nos obstinations contemporaines, créatrices de discordes et de désastres.

 

La récente traduction utilisée dans cette pièce est percutante et accessible, avec des images fortes, parfois crues. Sur un texte magnifique plein de poésie violente, Lili Sagit campe une Antigone sensible mais déterminée, qui peut à la fois dire qu'elle n'était "pas faite pour haïr mais pour aimer" et que la mort ne lui serait pas "fatale". Les acteurs jouent sans masque. Le choeur, caché, ne m'a pas vraiment convaincue. J'ai aussi regretté que les costumes, créés dans un esprit d'évocation dépouillée, soient dans un état si négligé que cela m'a bien souvent gênée pendant la représentation. La tenue du garde m'a un peu étonnée par son aspect grotesque, mais peut-être est-ce voulu pour ce personnage craintif, servile et comique.

Experte dans la création d'Antigone de Sophocle, Damiane Goudet a réalisé ici une mise en scène simple qui a le mérite de rendre cette pièce accessible à un public non initié. Ces personnages tourmentés sont impliqués dans une vie politique qui scelle leur destin avec l'aide des dieux. Il me semble intéressant, à l'heure actuelle, d'écouter cette pièce qui se termine sur ces mots "Les discours hautains apportent des coups aux orgueilleux : leur châtiment avec les ans se mue en sagesse". Ce spectacle peut, à mon avis, être une source de débats enrichissants sur l'Antiquité grecque, les passions et le pouvoir, pour tous les publics curieux, y compris en milieu scolaire.

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