Attifa de Yambolé
06 nov. 2014Spectacle de la Compagnie «26000 couverts» (21), vu le 10 octobre 2014, au centre social Anne Franck, à Echirolles.
De et avec : Valérie Véril
Mise en scène : Philippe Nicolle.
Genre : Théâtre humour
Public : Tout public
Durée : 1h10 environ
Ce soir-là, le spectacle a lieu au sein d’un centre social reconverti pour l’occasion en salle de spectacle. Un petit espace donc, qui se prête parfaitement à la nécessaire complicité que va installer la comédienne avec son public. Le décor est minimaliste, une petite table sur laquelle sont disposés quelques objets « made in Afrique » dont une poupée en bois (la fameuse Attifa), un tabouret, un radio cassette pour diffuser de la musique, et le tour est joué. Pas de lumière spécifique, la comédienne voit la salle et les premiers spectateurs sont à ses pieds.
D’emblée, elle nous met sur une fausse piste ce qui a pour effet de jeter un léger trouble dans le public, presque un malentendu qui, pour certains, va perdurer tout au long du spectacle et contribue à l’effet comique... on n’en dira pas plus...
Face à nous la grande dame prénommée Anne Sybille « déguisée » en africaine avec un boubou qui laisse apparaître le col de son chemisier rose, bon chic bon genre. Elle en battrait des mains tellement elle est contente d’être là, pour nous narrer ce conte africain qu’elle a inventé toute seule (enfin avec l’aide du célèbre conteur Michoko). L’histoire qu’elle nous conte dans la plus pure tradition africaine, c’est celle de la petite Attifa qui veut retrouver sa maman. Pour cela, elle va à la fois danser, chanter, jouer d'un instrument, parler, faire participer le public pour mieux le capter. Mais ce conte est aussi le prétexte à de nombreuses digressions qui pourraient s'intituler « impressions d'Afrique » au cours desquelles Anne Sybille nous fait part de son vécu africain.
Elle est enthousiaste Anne Sybille, tellement contente de ce voyage en Afrique d'une dizaine de jours, où elle s'est entichée de ce continent (quelle prouesse en 10 jours !), de ses habitants, de ses coutumes et nous en sert un florilège pendant plus d'une heure. Tous les clichés y passent, la nourriture, la religion, les odeurs, les couleurs... Elle ne nous épargne rien et nous ramène forcement à des scènes que l'on a déjà vécues, des propos que l'on a entendus ou même parfois tenus. C'est là me semble-t'il que réside une bonne part de l'intérêt de ce spectacle, nous rions de bon cœur parfois aux éclats confronté à notre propre bêtise et aux clichés que nous véhiculons sur ce qui est étranger à notre culture.
Elle est aussi touchante Anne Sybille, on la sent un peu seule au monde, essayant de s'accrocher à des relations humaines même éphémères, envieuse de cette chaleur qu’elle ne trouve pas dans son quotidien. Et par instants, lorsque ses « maracas » se délitent sur le public, le doute voile son regard, le geste se fait hésitant… Les bras s’affolent sous l’effet d’un moment de panique, lorsqu’elle essaie de rattraper désespérément le rythme de la musique qui lui échappe, comme cette histoire, comme cette culture...
Mais ces instants de doute restent fugitifs, les réponses à ses propres questionnements, à son étonnement face aux différences culturelles, se résument à un constat satisfait : « c’est comme ça » et elle balaie sereinement les sujets délicats susceptibles de lui demander une implication, par un catégorique « c’est pas mon truc ». Tant d’application à rester en terrain connu, confortable, à éviter les vraies questions, tant de ferveur à éluder tout ce qui pourrait venir altérer sa bonne conscience et sa bonne humeur, tant de candeur désarme : quand elle finit par s’indigner c’est contre le manque de zèle de certains spectateurs « qui laissent les autres répéter le refrain à leur place » !
La comédienne a un potentiel comique évident, son visage passe par toute une palette d’expressions qui vont de la joie communicative, en passant par le doute, l’angoisse de mal faire et l’extrême candeur. Pas de leçon moralisatrice dans ce spectacle. Juste une femme qui à travers un conte nous parle d’elle, de nous.
Pascale Coninx
(photo : Alexis Doré)