Dans la loge de Cyrano
01 juil. 2014 Spectacle de la Compagnie des Auteurs Acteurs (33) vu le 8 Décembre 2013 à 18h au théâtre du Carré Rondelet (Montpellier - 34).
Présent au festival Avignon Off 2014
D'après la pièce d'Edmond Rostand (1897)
Adaptation et mise en scène : Frank Bertrand
Avec : Patrick Guichard
Musique : enregistrements de Mozart
Durée : 1h15
Genre : théâtre
Public : tous à partir de 12 ans
Création 2012
Le carré Rondelet fait salle pleine. Nous sommes installés devant un décor de loge de théâtre, sobrement meublée d’une petite table et d’un porte-manteau. Un acteur se prépare à jouer Cyrano de Bergerac et se remémore toute la pièce, ce qui l’amène à jouer pas loin d’une dizaine de personnages.
L’intrigue est connue. Cyrano, qui se juge repoussant à cause d’un nez dont tout le monde se moque, est amoureux de Roxane, sa cousine qui aime et est aimée de Christian. Cyrano, qui n’ose avouer sa flamme, se trouve pris pour confident par chacun des deux amoureux. Pire encore, il accepte d’écrire et même de déclamer dans l’ombre des poèmes d’amour à la place de Christian, qui en est incapable. Celui-ci meurt à la guerre. Torturé par ses sentiments et piégé par sa supercherie, Cyrano continuera à rendre visite à Roxane retirée au couvent. Celle-ci découvrira trop tard la vérité.
Le parti-pris de Frank Bertrand est ici de réduire le foisonnement de personnages et de décors de la pièce originale. J'ai beaucoup apprécié son adaptation qui garde le découpage en 5 actes mais ne retient que les personnages essentiels, ce qui rend la narration plus concise et accessible à tous. A l'amorce de chaque acte, Patrick Guichard annonce au public les didascalies (consignes de l’auteur). Il plante ainsi à chaque fois un décor imaginaire, et rappelle par la même occasion qu'il "joue à jouer". Tout au long de la pièce c'est avec le même brio qu'il maîtrise la distanciation de l'acteur et l’incarnation des personnages. Avec une aisance époustouflante, il passe d’un personnage à l'autre et rappelle sa présence sans créer de décalage gênant. Il donne chair à un Cyrano complexe, touchant, parfois clownesque ou provoquant, chevaleresque, déçu, grave ou souffrant, et endosse les autres rôles avec autant de sensibilité, utilisant habilement quelques accessoires significatifs. J’ai gardé la curieuse sensation d’avoir vu plusieurs comédiens sur scène, tant le jeu était vif et complexe. J'ai apprécié chez Patrick Guichard son jeu précis et puissant (voix, gestuelle et mimiques), et j'ai ressenti comme une implication de tout son être dans sa façon d'exprimer des émotions. Lorsqu’à la dernière scène Cyrano est redevenu l’acteur Guichard, "dénudé" de ses personnages, une grande émotion m'a saisie. Cette brillante représentation a été littéralement ovationnée par le public, tous âges confondus.
Au-delà de l'originalité de l'adaptation et de la grande qualité de l'interprétation, ce spectacle propose aussi une intéressante réflexion sur le métier d'acteur, et peut ouvrir sur de nombreux débats. La sobriété de sa scénographie lui permet de s'adapter à de nombreux lieux et de toucher une grande diversité de publics.