L-inconnu.jpgSpectacle de la Cie Pile ou Versa (05), vu le 31 Oct. 2014, au Théâtre de l'Albarède, Ganges (34), 20h30

 

Création d'après le film muet de Tod Browning, 1927

Mise en scène : Daniel Lawless

Avec : Anabelle Galat-Zarow, Sophie Gauthier, Simon Gillet, Robin Vargoz

Musique d'Eric Satie et compositions de la Cie

 

vivant-3-toiles-4Genre: Théâtre

Public: Adultes et adolescents, déconseillé aux moins de 8 ans

Durée:  1h

Création: 2009

 

Un mot rapide sur l'Albarède qui, au sein de la Communauté de communes des Cévennes gangeoises et suménoises, est un lieu ouvert de soutien à la création, de médiation culturelle, et de formation du spectateur. L'équipe a longuement préparé cette journée d'Halloween 2014 : après-midi destiné aux enfants, et ensuite soirée pour les adolescents et les moins jeunes. Six structures culturelles locales, dont les élèves de l'école de théâtre, se mobilisent ainsi pour la réussite de la soirée. Tout est dans le ton d'Halloween, mené avec dynamisme et un zeste de mystère et j'ai apprécié que tout le monde, équipe et spectateurs, ait joué le jeu du déguisement. La salle est pleine. Sur scène, ambiance noir et blanc, et un piano. Le titre du spectacle a été tenu secret jusqu'au dernier moment.

 

Souvent tentée par l'insolite, la Cie Pile ou Versa est ici inspirée par le scénario de Tod Browning : Il s'agit d'une rivalité amoureuse tragique dans un cirque forain. Alonzo, fier hidalgo sans bras mais lanceur de couteaux avec ses pieds, et Malabar l'Hercule sont tous deux amoureux de Nanon, fille du directeur. Mais celle-ci a une peur panique des mains des hommes. De mystères en révélations, d'explosions dramatiques en situations hilarantes, l'intrigue se déroule entre le Grand Guignol et le fantastique, mêlant l'amour, la vie, la mort. Une belle adaptation.

 

La compagnie restitue l'ambiance et le style du cinéma muet : ombres et lumières, dégradés de noirs et blancs, jeu, cadence, musique et bruitages, cadrages des scènes, tout y est. Maquillages et costumes jouent habilement du noir et du blanc, sans caricature. L'ambiance est fantastique, avec de la violence et du monstrueux. Il y a du rouge violent pour la passion et le sang, une amputation brutalement évoquée, un personnage utilisant ses pieds comme des mains, un nain difforme et ambigu. J'ai été impressionnée par l'ambition de la mise en scène, qui évite les poncifs du genre. Dans ce contexte hors norme, les comédiens sont excellents dans leurs pantomimes, postures, mimiques et dialogues. Pathétiques, sentimentaux, mystificateurs, tragiques, ou ridicules, ils expriment de multiples subtilités de la vie. C'est un spectacle bien construit, qui tient en haleine et d'une belle recherche esthétique. L'éclairage jongle avec les nuances de blanc, noir et sepia, découpant parfois des scènes fortes, comme le jeu de mains autour du piano, ou l'ombre de doigts menaçants. Et brusquement, une rupture humoristique vient détendre la salle ! Au piano, la musique de Satie, pleine d'humour, accompagne efficacement la complexité de ce spectacle fantastique. Eblouissant !

 

Spectacle sur les passions humaines et le miroir que nous leur tendons, "l'Inconnu" revu par les Pile ou Versa emmène le spectateur dans un univers insolite aux frontières de l'impossible et là où cirque, théâtre et cinéma se mêlent. A voir absolument par tous les fous de spectacle et par tous ceux qui adorent les frissons. La contre-indication pour les moins de 8-10 ans s'explique aisément.

 

Catherine Polge

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