Entracte
01 juil. 2014Spectacle de Jean-Michel Boch, vu au Kawa théâtre, Montpellier (34), le 4 Juin 2014, 19h
Création, jeu, mise en scène : Jean-Michel Boch
Régie : Nicolas Natarianni
Genre : théâtre
Durée : 60 min.
Public : à partir de 15 ans
Jauge : à partir de 50 et sans limitation
Sur scène, sont éparpillés projecteurs, enceintes, etc et une haute échelle double attend que l’on aille décrocher les lumières. Manifestement la représentation est terminée. J-M Boch, en peignoir et chaussettes, discute avec le technicien. Mais enfin, pourquoi le public (nous) ne part-il pas ? Après un rapide calcul du "vrai" coût du spectacle et de notre nombre réduit, Boch nous annonce pouvoir réaliser 30 secondes exactement de prestation musicale, et en costard. Nous en aurons pour notre argent et ensuite, du balai ! Mais comme personne ne se lève…il invente toutes sortes d’artifices pour nous chasser. Entre chaque tentative, il se laisse aller à parler de son métier. Alors c'est avec un humour corrosif qu'il soulève les coins du tapis du monde du spectacle. Et tout (ou presque) y passe : les financements, les castings, les rencontres avec les directeurs de théâtre, les interviews TV, les techniciens, la presse régionale, les commentaires des copains théâtreux, etc. Dur dans ces cas-là de faire partir un public qui en veut toujours plus et ne recule pas devant les menaces...
Bon comédien, J-M Boch joue et mime d’inénarrables parodies. Du réalisateur blasé qui dirige un casting de figurants, jusqu’aux mille et une manières de se défiler lorsque l’on n’a pas aimé un spectacle. Il découpe des tranches de vie au scalpel de l’humour. Ironique, il mime des mondanités avec les mains (en guise de marionnettes), et expose en lumière crue les « supercheries » médiatiques. En colère, il lance quelques vérités décapantes sur la vie des intermittents, la course au cachet et les subventions. Provocant, vif, amusant et souvent cruellement réaliste, il ne ménage pas le public. Entre deux confidences, il houspille les spectateurs pour les chasser, les plonge dans de longs silences, de longs vides, ou fait même écouter à fond la pire des ritournelles « tralalalalère », en complicité avec Nicolas à la régie. Quelqu’un allait-il se lever et partir ? Moi ? Mon voisin ? Personne … Ce spectacle génère une attente assez curieuse dans le public. A la fois poussé dehors « parce qu’il n’y a plus de spectacle » et interpellé de multiples manières … finalement il rit et en redemande.
Très bien mené, sur un rythme qui n’est qu’apparemment chaotique, « Entracte » m’a fait visiter les « dessous du spectacle », en alternant comique hilarant, humour distancié et franche interpellation. La manière très frontale dont J-M Bloch déballe les ressorts cachés des financements en pointant le rôle des spectateurs m'a parfois mise mal à l'aise. Et pourtant ... les spectateurs paient-ils le "vrai" prix ? Il est en effet tellement rare de faire sauter ce couvercle pudique ! Interloquée, passant du rire franc au rire jaune, je me suis posé des questions sur ma place de spectatrice et sur les métiers artistiques, entre consommation et création. La vigueur de ces propos est plus que jamais nécessaire.
Sans doute les spectateurs initiés reçoivent-ils ce spectacle en y retrouvant leur vécu. Les « jargons » du métier, éliminés ou expliqués, permettent à un public étranger au monde du spectacle, de saisir le discours. J-M Boch fait bouger « Entracte » au fil des représentations : pour les prochaines, où aura-t-il placé le curseur entre francs coups de gueule et humour parodique ?
Ce spectacle gagne à être joué devant un public qui peut "faire masse".
Catherine Polge