Escampe trastet
31 mai 2014Spectacle de "ART Compagnie" (34), vu le 31 Mai 2014, au Marché, à Carnon (34).
Création et jeu : Myriam François (Georges Clounet) et Anne Thouzellier (Hervé)
Mise en formet et en scène : Capucine Mandeau.
Genre : spectacle de rue
Public : tous à partir de 6 ans
Durée : en cours d’élaboration
Jauge : 100 max.
Répétition publique, sortie de chantier
Créée en 1985, ART Cie se présente comme "un théâtre actuel, un théâtre pour tous, un théâtre d’expression méditerranéenne". Après une résidence d’une semaine à la Médiathèque de l’Ancre de Carnon, voici une première sortie de chantier pour "Escampe Trastet".
Une bonne cinquantaine de spectateurs se rassemblent sur une placette entre la médiathèque et le marché, où un vide-grenier ("Escampe trastet") va s'installer. Georges et Hervé déballent des objets hétéroclites et lient connaissance en attendant le client. Leur accent et leurs expressions sont d’ici, du Midi, en français avec quelques envolées en occitan. La conversation roule sur les femmes, car toute occasion est bonne pour en parler! Ils se posent sincèrement des questions sur leur aspect, leur rôle, la place de la biologie et celle de la société, mais finissent toujours, de manière extrêmement comique, par énoncer avec conviction des explications à leur convenance. C'est ainsi qu'au fil d'évocations de la vie quotidienne - avec de véritables moments d'anthologie! - émergent des problématiques féministes, avec drôlerie, humour et finesse.
Ancrés dans le quotidien et offrant suffisamment de complexité pour être vraisemblables, Georges et Hervé ne portent pas le même regard sur la féminité. Le spectacle utilise habilement cette différence pour transformer en situations comiques quelques injonctions contradictoires qui pèsent sur les femmes. "Sois séduisante!" "sois libérée!" "sois mince!" "fais de bons petits plats!" etc., apparaissent ainsi dans toute leur absurdité! Les actrices, Myriam et Anne, en jouent astucieusement et, avec une gestuelle bien trempée, elles donnent du poids à leurs personnages. Ni leur grimage masculin, réussi, ni leurs costumes ne créent d'impression de décalage. La plupart des objets déballés, très vintage (talons aiguille, bouquet de mariée, etc.), illustrent quelques stéréotypes de ce que l'on appelle "la vie féminine" et déclenchent des scènes souvent hilarantes. Le spectacle laisse libre cours à l'improvisation, excellente, et ambitionne d'établir une bonne interaction avec le public. Ce dernier aspect est actuellement travaillé par la compagnie.
Le texte emploie les mots de tous les jours avec des dialogues très drôles, criants de vérité et souvent chargés d'émotion et de tendresse. Bien qu'émaillé de nombreuses expressions méridionales fleuries, il échappe au régionalisme artificiel ou bon enfant et, lorsque surgissent par moments des phrases en occitan, elles sont intégrées avec fluidité à l'ensemble et donc accessibles à tous. J'ai découvert la musique et l'harmonie de l'association des deux langues.
Les dialogues laissent filtrer adroitement la nature des rages féminines et féministes qui ont abouti à la création du spectacle. "Escampe trastet" ne tombe pas dans la satire mais, en posant des questions d'une logique imparable il tord le cou avec humour à certaines idées reçues sur les femmes. L'absence de militantisme explicite permet aux spectateurs des deux sexes de rire de bon coeur, sans éluder les débats très actuels sur les "identités" féminines et masculines.
Le public a manifestement apprécié cette représentation-test. Reflet de l'originalité créative et du professionnalisme d'ART Cie, ce spectacle est en effet déjà très prometteur. En cours d'élaboration il se cherche encore un peu, en particulier pour trouver... une durée et une fin... ! Sortie prévue en Octobre. Ce spectacle s'adresse à tous et est adaptable dans des espaces très divers.
Crédit photo : Frédéric Jaulmes
Catherine Polge