Fugue en L mineure
16 nov. 2014Spectacle du collectif Lacavale, vu et entendu le 10 novembre 2014, au théâtre de Belleville, Paris.
Texte : Léonie Casthel
Mise en scène : Chloé Simoneau
Avec : Lola Roskis Gingembre, Julie Ménard, Benoït di Marco, Mehdi Harad, Blandine Pélissier, Leïla Tabaï et Ignacio Plaza Ponce.
Musique : Ignacio Plaza Ponce
Lumières : Laurent Béal
Scénographie : Edouard Laug
Chorégraphie : MArie Hubert
Création vidéo : Antoine d'Heygere et Martin Claude
Création sonore : Erwan Marion
Genre : Théâtre
Public : Tout public
Durée : env. 1h30 (?)
Paris. Nuit sur les boulevards. Une ado erre la tête pleine de questions, le coeur serré d'angoisses. Les hommes lui font peur. Les femmes aux toilettes aguicheuses lui paraissent superficielles, soumises aux désirs masculins, dignes de mépris.
Fugue en L mineure est une pièce drôle et sincère, émouvante et intelligente. Elle nous fait partager les questionnements intimes d'une adolescente devenue femme, d'une femme qui relit son adolescence avec son indulgence et le besoin de rassurer la fille en elle. Un aperçu sur ce que peut signifier être une fille, une femme. Une évocation de sa propre enfance pour ma voisine, un regard émouvant sur les femmes, sur les rapports entre femmes et hommes pour moi.
Est-ce que je peux aussi me permettre d'écrire que c'est un beau texte ?
C'est un beau texte, servi par une mise en scène soignée et inventive, pleine d'énergie et d'émotion. La danse, la musique, les vidéos défilant en arrière-plan nous mènent dans la légéreté. Elle se ponctue de moments poignants, quand la vie vient cogner à la porte de l'âge de femme, celle qui y entre et celle qui, déjà, regarde derrière elle avec amertume.
Derrière Elle, défilent des images, reviennent en mémoire des rencontres, les heurts avec son père, sa mère, sa soeur, avec ses camarades de classe dans la jungle du collège. Les femmes sur le boulevard : des putes ? Pourtant tellement belles, y-compris celle au menton carré.
Elle se voit double. Ce sont deux comédiennes qui tiennent ces deux rôles.
Elle est cette adolescente fine et sensible, heurtée par ces autres tellement plus superficiels, qui lui demandent de se socialiser, de se conformer. Elle s'y refuse, ce monde la déçoit d'avance. Le sexe surtout l'effraie. Le regard afuté, perspicace, elle se réfugie dans son intelligence, mais les petites phrases obsédantes tournent sous son crâne. Vite, les évacuer.
“Trois fois douze ?”
Elle est aussi cette jeune femme qui réécrit ses souvenirs avec sa compréhension d'aujourd'hui, son acceptation de son corps, de la vie sensuelle et sexuelle. Elle chante, danse en jupe courte et décolletée et accompagne la fille qu'elle était alors, quand elle revit encore et encore ces quelques scènes marquantes qui l'ont troublée. La copine méprisante, le copain que papa refuse de voir à la maison, la jupe interdite.
“Papa, c'est quoi un viol ?”
Et cette mère effacée, absente. Pourquoi ?
Autant fuir alors, pas seulement pour une fugue mais pour un voyage initiatique énergique, léger et intelligent à la fois, émouvant à coup sûr.
(*) Elle est donc jouée à la fois par Lola Roskis Gingembre (bousculée et épatante) et Julie Ménard (assurée et chantante). Et aussi au passage, Blandine Pélissier nous a pincé un peu le coeur dans le rôle de la mère (fatiguée et chancelante).
Loic D.