Hänsel und Gretel
02 déc. 2011 Nous avions déjà vu certains pans du travail du Théâtre de Romette, implanté en Haute-Loire (43) :
"Les pieds dans les nuages"
" Histoires post-it"
Nous éprouvions donc une certaine curiosité à découvrir sa création/commande 2011 qui allie marionnettes et chant lyrique. Nous étions à la représentation du 25 novembre 2011 à la Rampe (Echirolles - 38).
Public : indiqué pour adultes, mais selon nous accessible pour de grands enfants
Durée : 2 heures sans entracte
Distribution :
Comédiens : Matthieu Lécroart, Jeanne-Marie Lévy, Magali Paliès, Alice Gulipian, Ainhoa Zuazua Rubira
Acteurs-manipulateurs : Dinaïg Stall, Cécile Vitrant, Simon Fiasse et Antoine Truchi
Piano à quatre mains : Philippe Marty et Olivier Besnard
Mise en scène et lumière : Johanny Bert et Pierre-Yves Bernard
Formes marionnettiques : Judith Dubois
Costumes : Véronique Henriot
Dramaturgie : Catherine Ailloud-Nicolas
Scénographie et régie : Franck Aracil
Réalisation des décors : Théâtre musical de Besançon
Régie lumière : Véronique Marsy
Surtitrage : David M. Dufort
Chefs de chant : Olivier besnard et Philippe Marty
Que de volets proposés par cette compagnie, tant au plan des formes que de l’ampleur des spectacles : duo dans "Les Pieds dans les nuages", minimalisme dans "Histoires post-it" et ici investissement technique du plateau et croisement de genres. Cette compagnie est de fait en recherche(s), en exploration des espaces temporels et elle s’engage dans des univers qui sont loin d’être évidents pour tout spectateur. Selon nous : une gageure de donner à voir, à entendre et à appréhender un conte qui semble à beaucoup connu mais que l’on redécouvre dans sa force et son actualité, une pièce musicale lyrique de Richard Strauss émaillée d’influences populaires, une place et une manipulation marionnettique. D’un côté la proposition pourrait laisser à penser qu’elle s’adresse à des enfants, de l’autre qu’elle est plutôt destinée à un public initié.
Il y a le dehors, il y a le dedans : Le dehors avec le piano et les quatre mains qui le parcourent, le chant, et ces petits moments où un(e) comédien(ne) s’avance en paroles d’enfance, en souvenir(s) : la veilleuse du soir pour protéger le sommeil et le puzzle Schtroumpfs impossible à achever. Le dehors, toujours, avec ce vidéo-projecteur qui facette des décors, des ambiances, insère des images dans le jeu (à moins que ce ne soit le contraire) ou encore distille un fond de tressage bois-chocolat. Le dedans avec la boîte à histoire(s) qui se reconfigure au fur et à mesure du déroulé.
Il y a Hänsel, il y a Gretel : marionnettes sans atours, dénuées de vêtements, dans leur plus simple appareil. Un choix qui, semble-t-il, nous éloigne de toute considération plastique et esthétique. D’abord grandeur nature, plus tard petits perdus au milieu d’une forêt de jambes comme ils le seraient dans un enchevêtrement de troncs d’arbres ensorcelés. Grâce à cette rusticité apparente, chacun(e) pourra peut-être d’avantage projeter ses images mentales comme il est d’usage dans le conte. Et quand les lampes de poche ou l’écho entrent en action, nous ressentons d’autant plus le dénuement et la frayeur des enfants galopant sous les ramures des arbres qui marchent, jambes agrandies par le port de chaussures compensées.
Il y a ces connections entre un monde qui pourrait nous sembler révolu, celui du récit d’antan, et des éléments de nos vies quotidiennes : emballages alimentaires, sacs plastique... Pierres d’achoppement de deux univers, mais aussi monde imaginaire des enfants qui utilisent dans leurs jeux les objets qui les entourent pour les détourner de leur(s) fonction(s).
Il y a ces bulles composées de maximes, de petites phrases qui émaillent les histoires, permettant d’avancer, de ponctuer, de dire au-delà d’elles-mêmes : "le coucou abandonne ses petits après avoir mangé les oeufs des autres", comme dans les contes...
Il y a cette utilisation des corps pour ce qu’ils évoquent, pour les images qu’ils suscitent. Chaque artiste nous entraîne ainsi vers des zones ombrées ou de lumière, dans nos mondes intérieurs : le Rouge de la Fée, la mère-sorcière ou le père-SDF. Et en parallèle la sobriété-neutralité de certains costumes. Il y a aussi ce rideau plissés entre les veines duquel apparaît la tête de la sorcière-mégère, ou encore ce panneau de fours dupliqués dans lesquels cuisent des bambins et dont deux sont encore vides... prêts à ce qu’on y enfourne les derniers arrivés... Et comme mode essentiel d’expression, le chant lyrique, dont le ton s’accorde étonnamment bien avec le voyage même s’il est fort probable qu’un public qui n’y aurait jamais goûté puisse ne pas aisément y adhérer. En somme, le récit pourrait s’achever ainsi : on ne fait pas d’omelette sans casser des oeufs. C’est sûr : les contes, pour (nous) être accessibles et utiles, ont besoin d’ingrédients qui ne sont pas toujours en demi-mesure. Sans quoi, leur sens nous échappera et même s’effacera.
Il y a le surtitrage, au-dessus de la "boîte", qui nous ont d’abord déconcertés. Cela nécessite de "jongler" entre ce qui se passe sur le plateau (les propositions scéniques et les parties de chant) et ce qui est traduit de l’histoire. Nous avons eu à certains moments tendance et même souhait de nous en détacher, pour appréhender le propos au plan des impressions, quitte à abandonner une part des détails. Pour nous, il entraîne un certain "parasitage" ou "brouillage" du jeu. Peut-être pourrait-il être plus concis et n’indiquer que les grands traits.
Nous n’avons pas vu passer le temps, alors que la pièce était somme toute relativement longue (près de 2 heures). Nous pensons que cette proposition, qui ouvre des perspectives, gagnerait à être faite à des jeunes (avec une sensibilisation préalable sans doute souhaitable pour qu’ils puissent en profiter vu la complexité du genre, la construction du propos, la densité et parfois le caractère inhabituel, des formes choisies).
Autre(s) spectacle(s) de la compagnie :
Krafff : http://vivantmag.over-blog.com/article-krafff-97434056.html
Site web de La Rampe : http://www.ville-echirolles.fr/sortir/larampe/larampe.html